Ma surdité est de naissance. À l’école, je ne parlais pas, ce qui m’a occasionnée des coups de règles. Mes parents se sont aperçus qu’il y avait un problème, car je ne savais pas lire. Je n’ai jamais compris qu’ils ne se soient pas inquiétés avant. Ça restera toujours un mystère pour moi, surtout que je suis la troisième sur 5 enfants. Mais il y a 60 ans, la surdité était très inconnue dans la vie courante… Je me rappelle avoir appris à parler avec mon père. Par la suite, j’ai suivi du mieux que j’ai pu tout au long de ma scolarité. Je faisais attention au maître ou à la maîtresse, en lisant sur les lèvres. Ayant été appareillée des 2 côtés, je me suis toujours débrouillée du mieux que je pouvais, même si ça n’a pas été facile… |
J’ai réussi à avoir mon certificat d’études, puis j’ai fait deux années de pratique en obtenant mon diplôme à la fin.
À 16 ans, je suis rentrée dans la vie active, je n’avais pas le choix ! J’ai travaillé pendant 14 ans au sein de Biscottes Clément, jusqu'à l’incendie d’août 1985. Une grande période de chômage a alors débuté, qui hélas ne m'a pas ouvert beaucoup de portes vu mon handicap. Entre temps, j’ai été mariée en 1978 et j'ai eu 3 enfants. Je suis divorcée depuis 2004. Après ces nombreuses années de chômage, j’ai effectué un stage dans une maison de retraite, puis j’y ai travaillé pendant 21 ans, jusqu'à la retraite.
Pendant plusieurs années, mon médecin ORL m’a parlé de l’implant cochléaire, mais je ne voulais pas en entendre parler. Je n’étais pas prête dans ma tête. J’ai pris la décision de me faire implanté quand il a fallu que je change d’appareils auditifs, et que l’on m’a répondu que les appareils étaient arrivés au summum de ce qu’ils pouvaient me donner, car mon audition avait encore baissé.
J’ai été implantée le 11 février 2022, j’avais 67 ans. L’opération s’est bien passée.
Lors de l’activation, c’était impressionnant. J’ai entendu beaucoup de bruits inconnus, étant née sourde. J’ai eux des maux de tête, et je ne comprenais pas les gens quand ils parlaient. Au téléphone, c’était horrible. Je me suis posée plein de questions, surtout quand on sait par la suite que mon implant était très mal réglé.
La rééducation a été très difficile. Je n’arrêtais pas de dire que j’avais des mauvais réglages. C’était insupportable, et cela me rendait agressive. J’étais obligée de l’enlever par moments. On s’est rendu compte au bout de 10 mois que mon implant était mal réglé en faisant venir un technicien de chez Advanced Bionics qui a tout remis à zéro. J’ai été très en colère à ce sujet.
Je suis sportive : marche, vélo et piscine me permettent de m’évader plutôt que de me morfondre chez moi. J'ai mon permis et une voiture, ce qui me permet de me déplacer autant que je veux. J’ai des amis sur qui je peux compter en cas de soucis, mais quand on se retrouve tous, la communication est difficile. Ils font beaucoup d’efforts pour que je comprenne.
Je suis contente de mon quotidien avec l’implant, parce que j’entends les bruits du quotidien. Je peux par exemple entendre le bruit des voitures lorsque je fais du vélo ou de la marche. Par contre, j’ai beaucoup de mal à suivre les conversations. C’est très compliqué, je suis obligée de continuer à me servir de la lecture labiale comme je l’ai toujours fait. Il y a beaucoup de brouhaha dès qu’il y a plusieurs personnes. Il y aurait encore beaucoup à faire pour que je sois satisfaite. J’ai fait implanter mon oreille gauche. Je ne suis pas sûre que je ferais la droite, car je suis loin d'être contente. Pendant un temps, j’étais suivie par une orthophoniste, mais elle est partie pour se rapprocher de son domicile. Depuis presque un an, j’ai repris les séances d’orthophonie avec une autre personne, mais j’ai l’impression de stagner. J’ai l’impression que cela ne m’apporte rien, je passe seulement 30 minutes sur place. J’attends mon rendez-vous pour le bilan qui aura lieu dans 4 mois. Si je ne remarque pas de changement, j’arrêterais, parce que pour moi, il n’y a plus d’évolution.
Publié en novembre 2024