Mon problème auditif remonte au début des années 2000. Insensiblement, sournoisement, lentement, mon audition baisse. En 2010, ma famille et mes amis m’obligent à consulter, ils sont fatigués de répéter plusieurs fois la même chose.
Le verdict du médecin ORL est sans appel. Je présente une surdité à droite de plus de 70 %, et 10 % à gauche. Il me faut des prothèses auditives, option WIFI (le son capté à droite est renvoyé à gauche). Fin 2020, mon équipement donne des signes de fatigue. Le remplacement est obligatoire, et je bénéficie des dernières technologies avec un réglage optimum.
Le 13 juin 2021 au matin, en sortant de mon lit, je n’entends plus. Catastrophe, je suis sourd, je viens de perdre l’audition spontanément, avec l’apparition d’acouphènes. Mes prothèses auditives sont devenues obsolètes.
Implant cochléaire : les premières démarches médicales
Après une journée passée aux urgences à l’hôpital de Bourgoin-Jallieu (38), je quitte l’établissement hospitalier à 23h, avec plusieurs ordonnances en main. En urgence et dans la semaine, j’ai des examens à effectuer en ville. Le lendemain, mon épouse est au téléphone toute la journée, pour décrocher les deux principaux « sésame », une IRM et dans la foulée un rendez-vous avec un spécialiste ORL.
En même temps, je m’informe sur internet pour découvrir et connaître les différentes causes de
cette surdité spontanée. Après lecture des articles sur le sujet, les témoignages et échanges entre personnes sourdes sur le forum, il ressort qu’il est possible de réentendre. Je découvre alors le processus de l’implant cochléaire et I’association CISIC.
Le lundi 21 juin 2021, à 9h, je me rends au service ORL dirigé par le Pr TRUY à l’hôpital Édouard Herriot de LYON (HEH) et tout s’accélère. Je suis suivi par la Dr ROUAULT accompagnée de son infirmière. Les dix premiers jours, j’ai des soins une matinée sur deux, pour terminer fin juillet à une fréquence de une à deux fois par semaine. Elles font le maximum, mais aucun résultat positif.
A mon rendez-vous de la rentrée de septembre on me précise que mon audition est perdue définitivement, et qu’il faut envisager la pose d’implants cochléaires.
Le feu vert est donné par le Pr Truy et je démarre le protocole de pré-opération.
J’ai une prescription pour des séances de kiné pour la rééducation vestibulaire, un orthophoniste et un suivi avec une psychologue du service.
Mon quotidien avant l’implantation
Le jour de ma surdité spontanée, j’ai réagi positivement, il n’était pas question de baisser les bras. J’ai consolé mon épouse qui était en larmes, je lui ai dit : « Je ne vais pas rester dans cet état, je vais trouver une solution, allez hop à cheval et on y va ! »
Communiquer avec mon épouse, ma famille et mon entourage :
Immédiatement, il faut trouver un moyen pour communiquer. J’ai dépoussiéré le bloc de papier et les stylos : on remet au goût du jour la bonne vieille méthode.
Il est très difficile d’assister à un repas entouré de sa famille ou des amis, je suis isolé et je ne peux pas intervenir dans les échanges entre convives. Je quitte souvent la salle pour ne pas « craquer ». J’en souffre énormément, mais je m’accroche. Pour éviter à mon épouse la contrainte de répéter une multitude de fois mon problème médical, je rédige une fiche avec le maximum de précisions, avec une mise à jour périodique et chronologique. J’envoie ce document par mail chaque fois que nécessaire ou à la demande.
Je ne peux plus téléphoner. J’informe mon entourage que dès réception de ce message, au téléphone, c’est le numéro de mon épouse, et pour moi, SMS ou Mail.
Pour mes déplacements en extérieur :
Impossible de conduire la voiture, c’est trop dangereux. Je sollicite un de mes proches et si aucun n’est disponible, je prends un taxi. En qualité de piéton, le danger nous guette en permanence. Marcher en centre ville, il est préférable d’être accompagné pour garantir notre sécurité.
Pour mes déplacements au quotidien en intérieur :
Hormis le domicile, noyé dans la foule des grands centres commerciaux type « La Part Dieu » il faut redoubler de vigilance pour ne pas être bousculé. Les gens sont énervés, stressés, impossible de communiquer avec eux en cas de problème. Nous avons du mal à nous faire comprendre, il faut s’identifier malentendant rapidement et courtoisement, pour éviter un possible affrontement physique.
La découverte de l’association CISIC et son accompagnement
Le jour de mes recherches sur internet, je découvre l’association CISIC. Lors de mon premier rendez-vous à l’hôpital en juin 2021, j’ai vu une affiche avec les dates de permanences dans la salle d’attente.
Accompagné de mon épouse, nous nous présentons à la première permanence de septembre. Après avoir fait connaissance des bénévoles et de quelques adhérents présents ce jour-là, j’expose mon parcours depuis le 13 juin. En fin de matinée, nous sommes rassurés, nous connaissons la conduite à tenir pour affronter ce handicap.
Le technicien, nous installe le programme « Transcription instantanée» sur nos deux portables. Le papier et les crayons retournent au placard. Un autre avantage, on pose le mobile sur la table et nous pouvons dialoguer avec plusieurs personnes. « Ouf, je ne suis plus invisible ».
A chacune de mes visites à la permanence CISIC, j’ai des réponses à mes questions posées et toujours une solution à mes problèmes techniques et administratifs.
La chance est de notre côté. Pour la première fois depuis la création du CISIC, l’Assemblée Générale est décentralisée de la région parisienne. Elle se déroule dans la banlieue lyonnaise, à Sainte-Foy-lès-Lyon le 27 novembre 2021. Cette journée a été bénéfique et instructive pour nous deux. La matinée, les nombreux témoignages d’implantés et les interventions du monde médical, nous ont redonné du « pep’s » et l’espoir de réentendre un jour.
Nous avons pu échanger directement avec les personnes concernées, avec souvent la même conclusion : « On ne regrette pas l’implantation ! Si c’était à refaire, je serais de nouveau partant ! J’ai trop attendu pour être opéré ! «
L’après-midi, nous nous sommes entretenus et renseignés auprès des différents fournisseurs, y compris avec l’assurance Groupama. Nous avons découvert les différents matériels « implants et processeurs » avec leurs accessoires.
L’équipe de bénévoles de la permanence de Lyon m’a aidé, épaulé, conseillé dans tous les domaines. Adhérent au CISIC, je témoigne régulièrement de mon parcours aux nouveaux inscrits. Satisfait de mes implants, j’argumente le bienfait de l’implantation cochléaire. Je suis aujourd’hui disponible pour rejoindre le rang du bénévolat de l’association.
Implantation cochléaire : orthophonie et kiné
Le feu vert du Professeur TRUY s’accompagne de prescriptions pour des séances d’orthophonie et de kiné.
Pour orthophonie, j’étais à mille lieux de penser que j’avais besoin de cette spécialité médicale, compte tenu du fait que j’avais entendu jusqu’à I’âge de 67 ans. Immédiatement, je découvre la lecture labiale et syllabique, avec un suivi une fois par semaine au cabinet de ce professionnel de santé et beaucoup de travail personnel au domicile. Je tiens le rythme jusqu’à la date de mon intervention chirurgicale et l’activation de l’implant.
En revanche, aucune surprise pour le kiné. Au début des soins au service ORL, dès ma perte de l’audition, j’avais tendance à perdre l’équilibre. Les tests et examens confirment la nécessité d’un suivi « rééducation vestibulaire ».
Interventions chirurgicales, activations et rééducation
Le 10 mars 2022 a lieu l’intervention chirurgicale sur mon oreille droite, avec la pose de l’implant et l’activation à la fin du même mois.
Le 9 novembre 2023 a lieu l’intervention chirurgicale de mon oreille gauche, la pose de l’implant et l’activation le 22 décembre (délai rallongé suite à un calendrier chargé).
Les deux opérations dirigées par le Professeur TRUY se sont déroulées sans problème. A la première, j’ai demandé à rester la nuit sous surveillance. Je suis domicilié à plus de 40 km et je ne voulais pas créer de souci à mon épouse. Lors de la seconde opération, je suis au bloc à 8h et rentré chez moi en fin de journée vers 18h.
Lors de ma première activation, je perçois un son, métallique, robotique, un grésillement continu et incompréhensible. Dès cet instant, je suis confiant pour réentendre.
Mes deux petits-enfants âgés de deux ans, c’est magnifique de les entendre brailler !
C’est dérangeant pour certains, mais après avoir été totalement sourd pendant 9 mois, c ’est une joie et un miracle !
Les réglages et tests de contrôle se succèdent suivant un calendrier fixé par le service. Je suis suivi par la psychologue du service et en cas de besoin, je peux provoquer un rendez-vous.
En parallèle, je continue la rééducation kiné et orthophonique. Tout doucement, mais sûrement, mon audition s’améliore et j’attends avec impatience la date de ma seconde opération.
Ma deuxième activation se déroule sans problème. Les premières séances de réglages et de rééducation donnent de bons résultat, ce qui va me permettre, de travailler sur les deux implants en même temps rapidement.
Je suis conscient que cela va être long, je ne me fais aucune illusion. Il faut s’accrocher et avoir une assiduité sans faille « Paris ne s’est pas fait en un jour ! » Mes acouphènes sont toujours présents, mais moins violents.
Le téléphone, la musique et les médias avec les implants cochléaires
Je communique avec mon portable et je n’ai plus l’utilité de l’accessoire technique prévu à cet effet. Seul bémol, il faut que mon interlocuteur articule et parle lentement. Je précise que ce n’est pas utile de parler fort, j’ai tout simplement un problème de compréhension avec certaines syllabes. Je n’hésite pas à demander de répéter. En revanche avec ma ligne fixe, c’est très compliqué, j’ai de la résonance.
Écouter la radio, chez soi ou dans la voiture, c’est encore difficile. En ce qui concerne la télévision, je m’aide de la technique, je branche un petit appareil et le son est transmis directement dans mes processeurs. Pour l’instant, ce n’est pas encore parfait. Pour un meilleur confort de suivi de l’émission ou de la séance cinéma, j’active l’option sous-titres sur le téléviseur, cela me permet de ne pas perdre le fil du programme regardé. Une faille dans le système, certaines chaînes et programmes ne sont pas sous-titrés. Pour la musique, je me suis équipé de plusieurs accessoires, mais ce n’est encore pas gagné.
Le rôle de l’aidant
L’aidant est primordial et indispensable. Cela peut-être le conjoint, un ami, un membre de la famille ou une association locale d’aide à la personne. En plus de son rôle d’aide et d’assistance, on va le solliciter pour les exercices d’orthophonie au domicile. C’est une contrainte nécessaire, il dirige les séances plusieurs fois par semaine pour une durée de 45 minutes à 1 heure.
En ce qui me concerne, c’est mon épouse qui assure cette mission depuis le premier jour.
L’assurance de mes implants cochléaires
Le CISIC a négocié avec Groupama une offre pour assurer un ou les deux implants, en cas d’accident, vol et perte. J’ai souscrit à cette assurance et j’ai eu le « nez fin ».
Voici mon histoire. En juillet 2022, je perds mon processeur droit. En travaillant dans mon jardin, je me prends la tête dans I'étendage à linge. Un cordage se glisse entre l’appareil et I’oreille. La corde se détend spontanément, similaire à un arc, et il s’envole comme une flèche. Avec l’aide des voisins nous fouillons les alentours, mais nous ne le retrouvons pas. Je fais une déclaration à l’assurance et je contacte le fournisseur. Deux jours après l’incident, j’ai un appareil en prêt le temps du remplacement, et ils se sont occupés de contacter le service ORL pour le réglage. J’ai apprécié la réaction très professionnelle des deux parties.
Ce que je pense de l’implant cochléaire
L’implant cochléaire est un geste médical miraculeux pour réentendre de nouveau. Pour la personne qui est sourde de naissance, cela doit être encore plus magique. Les débuts sont difficiles, mais pas impossibles. C’est un travail de longue haleine, il faut tenir bon pour progresser et ne pas se décourager. Si on me demande mon avis, je conseille sans hésitation l’implantation.
Le 13 juin 2021 au matin, j’ai eu la niaque de m’en sortir. Je pense que j’ai fait ce qu’il fallait avec le peu de connaissance sur le sujet à l’époque. A ma première lecture sur internet, j’ai pensé au pire des scénarios : ne plus entendre après les soins. J’avais commencé à prendre connaissance de l’implant cochléaire avant que le Professeur TRUY me le propose.
Chapeau bas à toute l’équipe du service ORL de l’hôpital Edouard Herriot à Lyon et un grand merci !
Témoignage rédigé le 15 mars 2024