"Pourtant le syndrome suspecté( malformations de Mondini)"

           


Mathis est notre troisième enfant.Il est né huit ans après son frère aîné et cinq ans après le cadet.  Mathis est né avec différentes malformations(pieds varus, oreilles asymétriques, petits trous à la base du cou ...) Curieusement à ce moment , personne ne nous a parlé de surdité Pourtant le syndrome suspecté( malformations de MONDINI) avait certainement alerté le pédiatre puisque la surdité est un des signes très fréquent des syndromes liés à ces malformations. Il a simplement fait faire un caryotype qui n'a rien montré d'anormal (trois semaines d'angoisse en attendant les résultats!) et une échographie rénale car ce syndrome est également lié à des problèmes rénaux. Heureusement, il n'en était rien pour Mathis.

Nous sommes donc rentrés à la maison rassurés (ou presque): Après une telle épreuve on ne regarde plus son bébé de la même façon! Vers l'âge de 4 mois, nous avons commencé à remarquer le manque de réaction de notre fils aux divers bruits de la maison : aspirateur, sonnette, cris des grands frères: rien ne semblait le faire sursauter. Notre pédiatre nous a immédiatement mis en relation avec un spécialiste du handicap auditif chez l'enfant au CHU d'Angers. A 6 mois Mathis a passé son premier examen et le spécialiste nous a dit qu'il entendait parfaitement bien et pour le citer que "ses réactions étaient si évidentes qu'il aurait voulu avoir un caméscope pour les filmer!!!"

Et nous sommes rentrés à la maison rassurés (ou presque!) Évidement les signes persistaient mais Mathis a commencé à babiller et même à prononcer quelques syllabes ( papa, mama, si , a pu) A deux ans comme son langage n'évoluait pas, nous sommes retournés à Angers et là  le verdict: Entre 50 et 60 décibels de perte en champ libre.  Finalement nous étions rassurés de mettre un nom sur le handicap de notre enfant : pour parler franchement, nous préférions qu'il soit sourd que déficient mental: voici un handicap contre lequel nous allions pouvoir nous battre. Et ensuite la dégringolade!

Novembre 96: premier appareillage en mode vibratoire (la surdité de Mathis semblait alors d'après le scanner être de transmission ,liée à des malformations de l'oreille moyenne: 50 à 60 décibels de pertes à droite et aucune réponse à gauche)

1997: l'appareillage donne de bon résultats mais Mathis est difficile à tester: les seuils fluctuent.Il fait des progrès en langage grâce à l'orthophonie et à une bonne intégration à l'école.

Début 98 : Son audioprothésiste quitte notre département, sa collègue part  en congé maternité; le remplaçant débordé ne veux pas s'occuper de Mathis :il faut attendre le retour de la titulaire pour faire de nouveaux tests. L'orthophoniste a de plus en plus de mal a travaillé avec Mathis( crises de caractères) A la maison il est heureux de vivre mais il ne parle pas beaucoup, nous utilisons beaucoup de gestes(inventés par nous car nous ne pratiquons pas la LSF et à l'époque nous n'avons jamais entendu parler du LPC)

mai 98: Mathis a 4 ans. A la visite annuelle à Angers le spécialiste est très soucieux: Mathis ne progresse pas:problèmes psychologiques? non chute de l'audition et l'appareil à vibration ne donne plus aucun gain: 70 décibels de perte. Branle bas le combat: nouveau scanner: malformations de l'oreille interne : surdité mixte et évolutive : appareillage par contours .

d'août à décembre 1998 les progrès sont spectaculaires: En décembre Mathis est capable de répéter plus de quarante mots sans lecture labiale!

janvier 99: Mathis rentre de l'école et me tend ses appareils en me faisant comprendre qu'il faut changer les piles; Hélas ce ne sont pas les piles qui sont en cause: du jour au lendemain Mathis vient de perdre totalement et définitivement l'audition. il se trouve qu'une opération a été programmée de longue date pour une exploration de l'oreille et une intervention sur les fistules (ce sont des petits trous dans ses oreilles moyennes et internes qui risqueraient d'entraîner de graves maladies bactériennes surtout la méningite) A cette occasion le professeur Dubin nous a tout de suite parlé de l'implant comme de LA solution et nous avons tout de suite adhéré à ce projet.

Nous avons du attendre un an car le professeur Dubin était encore débutant dans la pose des implants et il ne voulait pas opérer Mathis à cause des malformations de ses oreilles qui entraînaient de grosses difficultés techniques. C'est lui qui a trouvé le chirurgien qui allait accepté de prendre le risque d'opérer notre  enfant: le professeur Robier à TOURS. Un grand merci à tous les deux car ils ont fait ce que peu de grands médecins sont capables de faire je crois : Tous les deux ainsi que leurs équipes  se sont donner la main pour aider notre fils . Ainsi le professeur Dubin s'est rendu à TOURS pour  assister à l'opération réalisée par son confrère et le professeur Robier a accepté de confier le suivi à l'équipe d'Angers afin que Mathis ait moins de déplacements (2H30 aller retour au lieu de 4H30) Pourtant il a hésité car comme il le disait de façon très imagée : "je ne suis pas un poseur de boulons" autrement dit je ne me contente pas de faire la chirurgie je veux suivre mon patient: L'équipe d'Angers s'est engagée à lui donner des nouvelles régulièrement.

Encore une anecdote (et pas des moindres) Le matin de l'opération est arrivé: nous sommes tendus: Mathis fait des crises d'urticaire depuis trois semaines et ce matin il est rouge coquelicot (c'est sûrement le stress) mais l'anesthésiste l'a vu et il n'y a pas de contre-indications à l'intervention.  L'infirmière doit venir à 7h30 pour la prémédication, à 8 h il n'y a toujours personne c'est inquiétant! Soudain on frappe à la porte : le professeur Robier entre suivi du professeur Dubin,  du chef de service ORL de l'hôpital pour enfants et de la chef de clinique: Ils ont un air confus ... et pour cause: il n'y a pas d'implant à implanter !!!!  grosse bourde mais nous passerons outre ! l'important c'est que cela se fasse et nous reviendrons trois jours plus tard !

Cette fois tout se passe bien. Mathis est encore plus rouge et quand je le vois partir j'ai un dernier sursaut d'angoisse: avons nous pris la bonne décision ? 3 heures d'opération (c'est long à cause des malformations) nous avons des nouvelles dès qu'il arrive en salle de réveil mais il faudra attendre 2 heures avant qu'il ne rentre dans sa chambre encore tout groggy et tellement pâle mais il est là dans mes bras! Nous sommes restés dix jours à l'hôpital parce que nous habitons loin (c'est une question de surveillance) Mathis a du rester allonger trois jours sans relever la tête et il n'a pu mettre le pied par terre qu'au bout d'une semaine: il y avait des risques liés aux opérations précédentes. C'était difficile car il était en pleine forme mais il a été sage je trouve !

Le branchement a eu lieu un mois après et c'est quelque chose que je n'oublierai jamais. Alors qu'il n'entendait plus rien depuis un an, lorsque l'audiométriste qui venait de terminer ses réglages l'a appelé il a relevé la tête tout tranquille et il a dit "quoi?" de la manière la plus naturelle du monde. Et moi j'ai pleuré bien sûr ! Au début nous avons noté tous les bruits que Mathis entendait : le bruit de ses pas , l'eau qui s'écoule du lavabo, la chasse d'eau qui fait peur ... etc et puis très vite il y en a eu tellement que nous avons arrêté.  Lorsqu'on lui demandait comment c'était l'implant il montrait son pouce en l'air (super!)

Ensuite sont venus les progrès en langage: d'abord l'intonation puis les mots et la construction de petites phrases. Aujourd'hui après deux ans et demi il ne parle pas encore comme un enfant de 8 ans mais il se fait comprendre de tout le monde et il comprend très bien ce qu'on lui dit même des choses assez abstraites. Il parle tout le temps et il dit aussi des gros mots (c'est la rançon du succès!) Il met son appareil en se levant le matin et ne l'enlève le soir que dans son lit! pour autant il n'en prend pas particulièrement soin : je crois qu'il l'oublie lorsqu'il le porte: il fait vraiment partie de lui. Maintenant ce qui est délicat c'est le travail de rééducation de la parole : la difficulté ne réside pas forcément dans l'apprentissage de mots nouveaux mais plutôt dans le comblement des lacunes: tous ces petits mots usuels que les enfants acquièrent tout bébé et qui lui manquent comme  four, placard, chausson , biberon ...etc et aussi dans l'articulation et la confusion des sons voisins comme p/d, c/g, ch/j , an/on, o/ou... etc Là il faut beaucoup de courage et de persévérance mais on avance! tous les jours on avance!!