Didier implant cochléaire  

Je m'appelle Didier et je viens d'avoir 62 ans. On m'a détecté une surdité légère des deux oreilles au collège.

Je m'en étais évidemment aperçu bien avant, mais bon, comme ça ne me gênait pas...

 

 

Première partie du témoignage

 

Avant l'implantation cochléaire

 

Au début, c'était surtout au niveau des aigus. À cette époque, je n'avais aucun souci pour communiquer. Petit à petit, au fil de ma vie, mon audition a régulièrement baissé jusqu'à me poser problème : plus de téléphone, plus de musique et des soucis dans de nombreuses situations de la vie courante... Jusqu'à ne plus rien comprendre dans les réunions de familles, ou autres.

J'ai donc été appareillé des deux oreilles il y a une dizaine d'années. Cela m'a permis de continuer de vivre à peu près normalement, mais les appareils ont leurs limites. Il y a trois ans, je me suis réveillé avec mon oreille droite "éteinte".

Les consultations ORL n'ont rien donné. Il a fallu que cette même oreille soit, par la suite, soignée à cause d'un champignon pour que j'entende parler de l'implant cochléaire par un autre ORL, le mien étant parti à la retraite (heureux pour lui et surtout pour moi).

Pas d'hésitation, et surtout pas d'autre choix ! J'ai pris la direction du CHU de Nantes pour un RDV avec un ORL spécialiste dans la pose d'implant. Audiogramme, tests en tout genre, audioprothésiste, orthophoniste, psychologue, etc... Rien de bien désagréable, le personnel soignant et les spécialistes ont été vraiment efficaces et compréhensifs. Un comité de médecins s'est ensuite réuni et j'ai été déclaré éligible pour la pose d'un implant à droite.

Vous vous en doutez, malgré les explications des professionnels, il me restait énormément de questions en suspens. Heureusement, on m'a dirigé vers le groupe de parole du CHU, ainsi que vers l'association CISIC. Cela m'a véritablement permis de m'informer, et de bénéficier des expériences et des conseils de nombreux implantés, des vieux routards bien rassurants et pleins de bons conseils comme de tout jeune novice.

D'ailleurs, c'est grâce à ces conseils que j'ai cherchés, et trouvés, bien avant la date d'opération un orthophoniste proche de mon domicile (et ce n'est pas le plus facile, beaucoup ne prennent pas en charge cette rééducation ou bien ont trop de patients).

 

L'implantation cochléaire

 

J'ai eu le droit à quelques mois de très utiles séances de lecture labiale. La date de l'opération espérée et un peu redoutée a été fixée au 18 novembre 2024. Très bien accueilli et bien dirigé, je suis rentré au CHU en début d'après-midi. L'administratif, les diverses préparations et au bloc, dodo !

Réveil (vivant, c'est déjà ça...) vers 18 h, j'ai donc été retenu une nuit sur place.

Mes craintes principales étaient surtout de possibles vertiges plus ou moins importants et puis évidemment d'éventuelles douleurs. Et bien pas du tout ! Aucune douleur au réveil, ni par la suite, rien de rien !

Pas de sutures ou d'agrafes à faire enlever, juste une tartine d'une colle spéciale qui disparaît toute seule, génial ! Il faut juste éviter de se mouiller les cheveux à cet endroit le temps de la cicatrisation.

Côté vertiges rien non plus. Pourtant, je guettais cela avec appréhension. J'ai juste eu des trucs auxquels je ne m'attendais pas, apparemment dû aux produits anesthésiques, comme des brûlures d'estomac sur une nuit entière et de légères démangeaisons sur le haut du torse pendant dix jours. Bien que sur le coup très inquiétant, tout a fini par passer doucement. Il y a bien eu aussi une période vertige-nausée au douzième jour. Là, j'ai vraiment eu un peu peur que ça dure éternellement, mais c'est resté léger et c'est passé en une dizaine de jours.

Après cette opération qui a eu lieu le 18 novembre, j'ai eu un rendez-vous ORL le 3 décembre pour vérifier si la cicatrice se porte bien et s'il n'y a pas de problème. Ça a été le moment de parler de l'insensibilité du bout de ma langue et de mon oreille décollée qui me faisait ressembler à Simplet (un des sept nains, le plus mignon à mon sens).

Pour le bout de ma langue gauche, c'était sans doute dû à un pincement durant l'anesthésie (il y a quand même deux à trois heures d'opération je crois). C'est passé en une quinzaine de jours.

Pour mon oreille, je voulais juste savoir si elle reprendrait bien la place que ma maman m'avait tricotée. Le docteur m'a rassuré. Donc, à l'heure actuelle, deux mois après l'opération, elle est bien revenue à sa place, enfin pas tout à fait, y'a un p'tit quelque chose, mais bon, ça m'est égal.

 

L'activation de l'implant cochléaire

 

RDV pour la première activation le 5 décembre 2024, dix-sept jours après l'opération ! L'audioprothésiste a posé un sac à dos de matériel devant moi et en a sorti le fameux processeur, un truc à peine plus gros qu'un verre de lunettes. C'était un rondo3 MED-EL "tout en un" qui, à la différence du modèle "tour d'oreille", n'est constitué que d'une seule partie qui tient seulement par un aimant incorporé.

"Tour d'oreille" ou "tout en un" ça sera à vous de choisir avec les conseils de votre ORL, qui vous posera la question bien avant l'opération. Ça sera le moment de discuter de la différence d'utilisation. Le choix a été un peu difficile pour moi, car on n'est pas, à ce moment-là, forcément, pleinement conscient des avantages ou des inconvénients.

Lors de mon RDV, l'audioprothésiste a inséré un aimant (il en existe de plusieurs puissances.) dans le processeur, fait des essais pour voir si ça tenait bien sur mon crâne, puis relié enfin le bidule sur son ordinateur avec un câble. Il a ainsi procédé au réglage de puissance à l'aide de "bip" plus ou moins fort, et je devais lui indiquer si c'est supportable ou non.

J'étais tellement concentré que je n'ai même pas fait attention au fait que mon oreille entendait à nouveau ! C'était le premier son qui m'arrivait au cerveau par ce côté-là depuis trois ans ! Génial ! Enfin presque... Après les réglages terminés, les diverses manipulations, les réponses à mes légitimes questions sur le fonctionnement, l'entretien et j'en passe, l'audioprothésiste a débranché MON processeur de son ordi, l'a mis en position "on" et... l'a placé derrière mon oreille.

Là, l'audioprothésiste m'a demandé comment ça allait et comment j'entendais.

Comme je l'ai déjà dit, c'est une véritable, une formidable performance technique de pouvoir de nouveau entendre à droite, mais j'étais plutôt surpris et déçu. Je cherche difficilement à quoi comparer ce que j'entends. Je dirais que c'est comme si l'on m'avait collé un gros coquillage sur l'oreille, ou bien un vieux et mauvais transistor chuchotant et crachotant, ou encore un pot de yaourt relié à un autre par un fil et dans lequel on peut parler pour s'amuser. Peut-être aussi comme les premiers talkie-walkies pour enfants... Bref, tout me parvient en chuchotements "cheeeu chee feuuuu" etc. C'est assez faible et ça n'interfère pas trop avec l'audition de mon appareil à gauche ce qui me permet de continuer à comprendre ce qu'on me dit.

Je suis reparti du CHU forcément un peu dubitatif. On s'attend toujours à un miracle, d'ailleurs s'en est un ! Mais on sait aussi, pour avoir échangé avec les routards de l'implant, que le trajet sera long et difficile. Il faut beaucoup de patience et de travail, c'est un fait !

Patience, orthophoniste, patience, orthophoniste... Le résultat est au bout, je le sais, on me l'a certifié !

Publié le 4 février 2025

 

Deuxième partie du témoignage

 

Retour à la maison après l'activation du processeur, première gêne. En fait, j'entends deux voix bien distinctes : celle à laquelle m'a habitué mon appareil auditif à gauche (elle est plutôt grave, sans les sons aigus) et celle du processeur à droite qui, comme je l'ai déjà indiqué, est une série de chuchotements incompréhensibles.

Évidemment, ça me perturbe, je me sens un peu perdu et j'ai du mal à me concentrer quand on me parle. Pour moi, c'est pire qu'avant, je ne comprends pratiquement plus rien ! Il y a un peu de panique dans l'air !

 Mon cerveau se mélange les pinceaux et il tente de rester sur ce qu'il connaît déjà. Il se focalise donc à gauche, minimisant les chuchotis du côté droit. Les jours passent, les choses se calment un peu, on s'habitue. En tout cas, mon audio a parfaitement réglé le volume et je ne suis pas gêné de ce côté-là. Ce n'est pas trop fort, et je garde le processeur sans problème ni fatigue toute la journée.

Aucune évolution côté compréhension des paroles, toujours ces chuchotis. Par contre, côté bruits, c'est une vraie découverte ! Principalement, tous les bruits aigus que je n'entendais plus depuis belle lurette me sont de nouveau perceptibles coté implant, même le chant (enfin le bruit) des oiseaux dans mon jardin.

J'entends la sonnerie de recul de ma voiture, le souffle de l'eau qui sort du robinet, le frottement de l'éponge sur la table, le bruit des chaussons de mon épouse sur le carrelage, les lardons qui rissolent dans la poêle... Et même le tic-tac de l'horloge murale, et j'ai eu du mal à trouver d'où ça venait, c'est la régularité des tics tics qui m'a mis sur la piste.

Dingue tous ces bruits ! Les feuilles mortes qui craquent sous mes pas, le bruit des dents d'une fourche qui s'enfoncent en terre...

Je vous fais grâce de tous les autres que je continue à découvrir.

 

Un truc m'ennuie pourtant et il m'a fallu plusieurs jours pour m'en rendre compte. C'est que quand on entend un bruit ou une parole, le cerveau nous le situe à l'endroit de sa provenance. En clair, quand une porte claque, on entend le bruit "de" la porte, mais là, côté implanté, les bruits, je les entends "dans" mon oreille, exactement situés dans mon oreille et non pas à la source ! C'est encore une fois plutôt perturbant...

Côté santé, ça va. Pas de gêne au niveau de la peau entre les aimants, c'est déjà ça.

Début janvier, j'ai eu un nouveau réglage au CHU, puis une séance d'orthophonie à suivre, toujours au CHU, puis retour maison. L'audioprothésiste a augmenté le volume et les chuchotis prennent ce coup-ci plus de place. Ils entrent véritablement en concurrence avec mon appareil à gauche, et là, je suis encore plus perdu avec l'impression que mon cerveau ne sait plus du tout qui écouter. Droite ou gauche ?

Encore une fois, le temps passe, les séances d'orthophonie aussi, et encore une fois, le cerveau choisi la gauche. Les chuchotis de l'implant passent au deuxième plan. Au niveau des bruits, et surtout ceux de vaisselle, c'est bien plus dur qu'au premier réglage. Des fois, le soir avec la fatigue, c'est difficilement supportable et le mal de tête n'est jamais bien loin.

Petite visite au groupe de parole d'implantés du CHU, c'est important pour les autres, et pour soi-même évidemment ! Comme entre temps, je ne constate aucun progrès flagrant, le moral baisse sérieusement, donc direction la psychologue du CHU.

Là, on m'a gentiment remis les pendules à l'heure. La psychologue m'a bien tout réexpliqué, avec beaucoup de patience et de compréhension, l'évolution à laquelle je pouvais m'attendre. Je sors quelque peu rassuré.

Les séances d'orthophonie se succèdent. J'ai quand même une vague impression d'un très léger changement, très léger ! Quelques mots prononcés en lecture cachée me sont à peu près reconnaissables. C'est très difficile et pas clair du tout, il faut énormément de concentration, mais j'en reconnais !

Sans encore une fois, constater un véritable progrès. La psychologue me l'a dit elles aussi : patience et travail !

Le prochain réglage sera début mars 2025.

 

Publié le 24 février 2025

 

Troisième partie du témoignage

 

Le troisième réglage s'est bien passé. Après avoir écouté mes impressions et remarques, l'audioprothésiste n'a pas modifié grand-chose. J'ai aussi eu droit à un RDV chez l'orthophoniste et le psychologue. Mon dossier a dû circuler, car toutes trois ont mis un point d'honneur à me rassurer et à bien insister qu'à première vue, dans mon cas, il me faudra beaucoup de travail d'orthophonie et de temps. Il est vrai que vu la quasi-abscence de progrès (à mon avis, et non pas celui de l'orthophoniste du CHU), mon moral n'était pas au beau fixe.

 Fin mars : bientôt quatre mois après l'activation. Les séances d'orthophonie se succèdent à deux, voire trois, par semaine (travail essentiellement sur la reconnaissance des mots en lecture cachée, avec ou sans thème, reconnaissance du nombre de syllabes, travail sur certains sons comme le ou, le u, etc.) Heureusement, encore une fois que, je suis à la retraite et donc disponible !

Mais bon, tout de même un peu las, et surtout au niveau financier, avoir mes RDV à trente minutes de mon domicile n'est pas fait pour me réjouir. Aussi ai-je retenté de contacter des orthos plus proches (je l'avais déjà fait, c'est un problème à ne pas négliger) et yes ! Une jeune ortho pratiquant la rééducation post-implantation s'est installée récemment sur ma commune. Elle accepte de s'occuper de mon cas. Résultat : 10 minutes de vélo au lieu de trente en voiture ! Un grand soulagement.

Autrement, depuis et par rapport au début de mon implantation, j'ai constaté que lorsque par réflexe, je ne me focalisais pas sur mon handicap. Et bien j'ai eu plusieurs discutions avec d'autres personnes (en seule à seule) qui se sont bien passées ! Pris dans des sujets qui m'intéressaient, je n'avais même pas fait attention que j'avais pu discourir avec elles sans vraiment de difficultés de compréhension (toujours grandement aidé, bien sûr, par la lecture labiale). Evidemment, ça dépend des voix, des endroits, etc. Mais quand même...

De plus, à plusieurs reprises en regardant la TV, et avec beaucoup de concentration, j'ai pu capter des mots sans lire le sous-titrage. Tout ça reste un peu confus, et ce n'est pas du tout régulier, mais quand même... Je sens que ça bouge (un tout petit peu, à peine).

Surtout, je viens véritablement de prendre conscience qu'il va me falloir réapprendre les mots, sans doute tous les mots ! C'est ce que m'avait expliqué une personne sourde et implantée, elle avait dû tout réapprendre comme un nouveau-né, quel courage ! (elle, pas moi...)

Autrement, les paroles me parviennent toujours comme des chuchotements (même si j'y suis un peu plus habitué), toujours en décalage avec celles de mon oreille gauche appareillée et toujours situées exactement dans mon oreille et non pas à son lieu d'origine.

Heureusement, j'ai toujours autant de plaisir avec les bruits que je n'entendais plus avant mon opération. Mais bon, comme je l'ai déjà dit, certains bruits de vaisselle, certains soirs de fatigue, ben... C'est pas que du bonheur ! Puis les oiseaux, je trouve qu'il y en a beaucoup... beaucoup, beaucoup ! Quel potin font ces petites bêtes !

Au prochain RDV réglage audio, le 24 avril, je vais signaler à mon audioprothésiste que côté implant à droite, quand j'enlève mon appareil à gauche, je trouve que les chuchotements sont finalement assez faibles. J'ai l'impression que si je les entendais plus fort ma compréhension en serait sans doute augmentée, on verra... C'est elle la chef !

Côté santé, rien de particulier, pas de douleur au niveau des aimants et une habitude avec l'implant qui me fait pratiquement oublier sa présence. Il persiste tout de même une légère insensibilité du pavillon de l'oreille opérée, sans que cela ne soit dérangeant.

 

Publié le 17 avril 2025

 

Ce témoignage sera régulièrement actualisé, pour suivre le parcours de Didier en temps réel. La suite sera donc bientôt disponible.