Je m'appelle Philippe, j'ai 60 ans
J'ai eu un premier problème de diminution d'audition à gauche en 1997, mais je n'y ai guère prêté attention; puis, cela s'est aggravé en 2005 avec une diminution rapide et importante de l'audition de mon oreille droite. Ma situation est un peu particulière car je suis médecin, professeur de médecine et chef de service dans un Centre Hospitalier Universitaire;
je me suis rendu compte de cette baisse brutale de mon audition lors d'un congres car j'avais de grandes difficultés à entendre les questions de mes collègues après mon intervention. J'ai consulté en urgence et, en voyant la tête de mes collègues ORL, j'ai compris qu'ils étaient préoccupés par mon cas. J'ai donc vu un audioprothésiste et ai eu 2 prothèses auditives qui m'ont permis de fonctionner tant bien que mal, tant sur le plan personnel que professionnel. Mon entourage professionnel étant au courant de cette difficulté, cela ne m'a pas posé trop de problèmes, même si j'avais parfois du mal à suivre une discussion "à bâtons rompus" ou des difficultés à entendre les réponses des étudiants à mes questions lors d'un cours.
La surdité ou la prise de conscience du handicap
En Juillet 2010, est survenue une aggravation brutale de mon état et j'ai pu constater le handicap majeur que représentait une perte importante de l'audition : difficultés à échanger avec mon entourage, à entendre mes enfants, sensation d'être un boulet pour ma compagne (qui notamment devait effectuer toutes mes démarches par téléphone à ma place), perte d'autonomie (expériences malheureuses auprès des guichets de diverses administrations ...), repli sur soi même de peur d'embêter les autres, d'être "l'empêcheur de tourner en rond", interruption de mes activités de consultations, de réunions, de congrès ....
Une anecdote, sans importance et sans conséquences, mais qui m'a frappé : allant au marché un matin pour acheter un poulet rôti, le marchand me pose une question; croyant qu'il me demandait si je voulais un sac, je lui réponds positivement, et quelle ne fut pas ma surprise de le voir commencer à découper le poulet que je venais de lui acheter ... la question posée n'étant bien sur pas celle que j'avais crue (ou fait semblant de) comprendre. Mon moral commençait à être sérieusement touché et je ne me voyais pas rester dans cet état, sous peine de dépression et de désintérêt progressif de mes activités qui m'ont pourtant toujours passionné.
L'implant cochléaire : une résurrection
Après avoir rapidement consulté en Juillet 2010, il a été décidé de me poser un implant cochléaire droit, ce qui a été fait le 30 Août 2010 (le lendemain de mon anniversaire !). Cette intervention s'est très bien passée : aucune douleur, hospitalisation de 48 heures, suites post-opératoires très simples. J'attendais avec impatience le premier réglage de l'appareil le 17 Septembre 2010. Je me rappellerai toujours de ce matin là car les premiers résultats ont été au-delà de mes espérances (étant dans le milieu médical, mes collègues s'étaient gardés de tout optimiste démesuré pour ne pas que je sois déçu) car ... j'entendais !!
Depuis, au fur et à mesure de ma rééducation orthophonique et des réglages successifs, ma situation s'améliore progressivement. J'ai déjà (après à peine 1 mois et demi) retrouvé une vie sociale quasi-normale; j'entends (parfois avec regret !) mes enfants crier, je participe aux discussions avec des amis ..... j'ai repris des activités professionnelles, participé à des congrès (parfois même en tant que président ou modérateur de discussions), je vais reprendre prochainement des consultations ... bref, l'espoir d'une vie à nouveau normale.
Même si chaque situation est différente, j'encourage tous ceux qui souffrent de surdité, au moins à consulter pour voir si une solution est envisageable pour eux. J'ai compris, au cours de ces derniers mois, le poids du handicap que constitue la surdité.
Mon message est donc un message d'espoir pour tous les malentendants.
Actualisation 2020
10 ans après la pose de cet implant, j'ai une vie normale et je dis régulièrement que le résultat est "trop bon" car j'ai "malheureusement'" repris une activité encore plus intense qu'auparavant ! (formations, cours, congrès, communications, réunions téléphoniques, consultations …).
Avril 2020