C’est moi qui ai découvert ma surdité à l’âge de 11 ans, mais elle devait être plus ancienne puisque je peux affirmer que je n’ai jamais perçu de son aigüe (la vieille pendule de mon père me le confirme avec son sonne heure aigüe) et ils sont très important dans la compréhension de la parole.

C’est pour cela que je trouve que le dépistage précoce de l’audition est une bonne chose, peut-être qu’il m’aurait évité d’aller d’échec en échec.

Après bien des examens le verdict est tombé : surdité évolutive des deux oreilles, d’origine non connue à ce jour.

A douze ans je portais deux prothèses auditives, et très vite je n’entendais plus sans.
J’ai suivi une scolarité en milieu ordinaire, et arrivée en classe de 5ème j’ai été orientée en LEP dans un domaine que je n’avais pas choisi : avec juste la moyenne, on ne vous demande pas votre avis ...

Un professeur m’a fait changer d’orientation un an après, j’ai préparé pendant deux ans un CAP couture. Puis, comme je ne pouvais plus suivre, on m’a orienté en CFA sans plus de renseignements, j’ai donc abandonné l’école et commencé à travailler.

Mon audition était de plus en plus mauvaise, on ne se rendait pas compte de mon handicap, moi-même je ne l’ai jamais accepté. Et il n’y avait pas les moyens de communication d’aujourd’hui, je me suis isolée de plus en plus tellement la fatigue était intense.

Jusqu’au jour où je me suis aperçue que mon travail ne me plaisait plus : j’ai décidé de changer d’orientation. Ça a été difficile bien sûr, des gens m’ont aidé et je ne leurs ai pas toujours bien rendu, je me suis aperçue que j’étais illettrée avec des pertes de mémoires qui m’handicapais encore plus.

Puis arriva l’an 2000 c’est là que le CHU de Besançon m’a parlé de l’implant cochléaire. J’ai passé plusieurs tests (orthophonique, psychologique ainsi qu’un scanner) qui se sont révélés positif. Après m’avoir expliqué à quoi m’attendre au mieux et au pire, on m’a fait prendre contact avec 3 personnes déjà implantées qui dans l’ensemble en était assez satisfaites, on m’a remis un livret d’explications, et j’ai accepté de tenter ma chance : on m’a inscrite sur la liste d’attente pour l'opération.

J'ai été implantée à l’oreille gauche avec un implant Cochlear Esprit 3G en mai 2002 par le professeur Chobaut à Besançon. Je me souviens plus très bien, mais l’hospitalisation a été courte et je n’ai eu ni vertige, ni plus de maux de tête que d’habitude. La cicatrice à la tête et derrière l’oreille paraissait impressionnante, mais l’avantage, c’est qu’on peut tourner la tête sans que ça tire. Le seul mauvais souvenir c’est le jour de l’enlèvement des fils. Et aussi un peu plus tard lorsqu’une antenne équipée d'un aimant trop puissant m’avait irritée la peau : j’avais dû me passer de mon contour d’oreille pendant plus de trois semaines.

La mise en route s’est faite un mois plus tard, mon orthophoniste m’a dit "vous n’avez pas l’air d’être contente" je lui ai répondu "c’est étonnant". Le son était vraiment moche : les personnes qui parlent ou froissent du papier c'était la même chose, le même son métallique. J’étais contente d’avoir gardé ma prothèse auditive à l’autre oreille ça m’a permis de m’orienter plus facilement.

Dès ce réglage fini, première rééducation et là aussi incroyable que cela soit j’ai pu entendre quelques mots : j’en suis ressortie contente.

Puios, au fil des rééducations et réglages le son est devenu plus beau j’ai réentendu les moineaux, le merle, la pie et aussi des bruits que j’avais oublié tel que le tic-tac de l’horloge.

Dans l’ensemble j’ai fini par obtenir de bons résultats. Mon orthophoniste m'a beaucoup aidé, avec plus de 2 ans d’une rééducation soutenue. Un jour, une conseillère à l’emploi m’a dit vous pouvez arrêter et faire des exercices chez vous : ça m’a énervé car elle ne savait pas de quoi elle parlait ! Si ça s’appelle rééducation, ce n’est pas pour rien ? On y travaille dur, comme pour toute rééducation quelle qu’elle soit.

Ce premier implant m’a permis de mieux entendre, mais ça a toujours été difficile dans le bruit et dans la vie de tous les jours je ne suis jamais vraiment arrivée à comprendre sans lecture labiale. Cependant il m’a aussi permis d’apprendre l’informatique. Mais en ai-je trop appris d’un coup ? les écrans d’ordinateur de l’époque faisait-il trop d’ondes ? mes nerfs ont lâché ? mon implant s’est déplacé ? J'ai constaté que mon audition n’était plus si bonne. L'implant fonctionnait encore, mais n’a jamais retrouvé ses meilleurs résultats. Malgré tout j’entends mieux qu’avec la prothèse auditive que j’ai gardé à droite jusqu’en 200. Cette dernière ne me servant plus à rien je décide de la retirer, et contre toute attente on me propose un second implant. J’ai hésité un cours instant et accepté cette deuxième chance.

J'ai été implantée à l’oreille droite d’un implant Cochléar CP 810 en mai 2010, par le Pr Chobaut à l’hôpital de Besançon comme pour le premier.

Je n’ai eu ni vertige ni maux de tête et cette fois-ci, l’enlèvement des fils s’est passé en douceur. Trois semaines plus tard on me le branchait. Mais j’étais encore un peu fatiguée de cette opération qui m’avait fait perdre un peu le sommeil.

Je m’attendais à une mise en route un peu surprenante comme la première fois, mais cette fois ci, je n’ai pas perçu de bruit métallique. Des sons aigües c’est vrai, mais bien plus beaux que lors du couplage du premier implant ! Quand mon audioprothésiste m’a parlé j’ai trouvé tout trop fort, il a vite baissé le volume, l’audiogramme s’est révélé mauvais, mon docteur a voulu vérifier en me disant 2 mots sans lecture labiale, j’ai pu les répéter je ne me suis pas rendue compte combien c’était génial.

Le Pr Chobaut avait raison cet implant allait me plaire, et la touche sensibilité du CP 810 est l’innovation que je n’osais espérer par rapport à l'Esprit-3G : elle permet d’être moins agressé par les bruits.

La rééducation a été plus facile au fil des réglages : avec mon orthophoniste on a pu faire beaucoup plus de chose qu’avec le premier implant, en particulier travailler l'écoute dans le bruit et le téléphone. Je reconnais que le téléphone ne m’est pas familier et me fait toujours stresser, mais je réponds à mes proches.

Aujourd’hui je peux dire que cet implant m’a changé la vie, malgré que je reste malentendante : maintenant je suis sure de ce que l’on me dit. Mon premier implant, qui n’est pas aussi performant que le second, a malgré tout son utilité : ensemble il se complètent, même si souvent je l’éteins pour mieux comprendre les films qui sont doublés et aussi dans des situations où je n’ai pas le réflexe ou la possibilité de régler la sensibilité (comme le processeur Esprit 3 G du premier implant a été remplacé par un processeur CP 810 en 2011, il dispose désormais des mêmes possibilités de réglage).

Quand je suis à la campagne je remarque que les chants d’oiseaux sont beaucoup plus nets et nombreux qu’avec un seul. Mon répertoire de musique qui s’était arrêté avant les années 90 se recompile à nouveau, la musique est importante pour moi, il n’y avait qu’elle pour calmer mes angoisses.

C’est vrai que le soir quand on met à sécher les contours d’oreilles dans la boite de déshumidification, on se retrouve dans le silence. Mais c’est justement ces implants qui m’ont fait accepter de ne plus avoir peur du silence comme autrefois. Et des fois je me dis que c’est là le seul avantage qu’on a sur les entendants pouvoir couper le son.

Finalement j’y ai mis beaucoup d’énergie et je ne sais pas de quoi sera fait demain mais je vais tacher d’en prendre soin, devenir plus sociable j’y travaille, ainsi qu’avoir à nouveau une place dans la société.
Je ne mentionnerai personne, j’ai toujours eu du mal avec les noms propres mais je remercie toutes les personnes qui ont rendu possible cette renaissance.