Ces dernières années, les professionnels de l’audition accompagnent enfants et familles dans un projet oral. Ils prennent appui sur diverses méthodes pour permettre aux enfants implantés cochléaires de développer leur écoute et le langage oral. Ces méthodes parfois méconnues des parents d’enfants implantés participent à favoriser l'émergence du langage dans tous ses aspects (auditif, lexical, phonologique, syntaxique, prosodique et pragmatique). Elles ne sont pas obligatoires, leur choix n'est pas définitif. L’essentiel est de s'adapter à l'enfant, son évolution, ses besoins, ses intérêts mais aussi de s'adapter à la famille. Multiplier les méthodes n'est pas une fin en soi, ces supports sont des moyens dont la finalité est de devenir caducs.

 

Le meilleur matériel reste celui qu'apporte l'enfant et sa famille, ou celui qui surgit spontanément dans l'instant.

Nous avons souhaité réaliser un tour d’horizon des méthodes disponibles, avec l’aide d’Amandine Langellier, une orthophoniste qui accompagne des enfants implantés cochléaires depuis près de 20 ans.

 

Les différentes méthodes disponibles pour soutenir l’entrée dans la communication orale

 

« Le suivi orthophonique d’un enfant malentendant est probablement l’un des plus vastes, précoces et diversifiés. Plusieurs choix s’offrent aux parents qui s’orienteront vers des projets linguistiques audio-phonatoires, visuo-gestuels ou bilingues.

Lorsqu’ils font le choix de l’implant cochléaire, le projet oral ou audio-phonatoire est privilégié. Nous, orthophonistes, accompagnons l’enfant dans la découverte du monde sonore en proposant une éducation auditive », précise Amandine Langellier.

Afin d’accompagner au mieux chaque enfant, l’orthophoniste choisira les outils les plus adaptés lors des séances mêlant stimulations multisensorielles, écoute, sollicitations cognitives et émotionnelles.

En voici quelques exemples :

 

La méthode verbo-tonale

Cette méthode est basée sur les paramètres prosodiques en tant que facteurs fondamentaux à l’intelligibilité et la compréhension d’un message oral. Elle s’appuie sur l’écoute, la motricité globale, la motricité des organes phonateurs, la prosodie (mélodie de la phrase), la poly-sensorialité…

 

La DNP (dynamique naturelle de la parole)

Issue de la verbo tonale, elle sollicite tous nos sens pour inciter à une production orale la plus juste possible et permet une correspondance avec l’écrit. Sans règle stricte, elle s’appuie sur une stimulation visuelle (code couleur pour les voyelles) et kinesthésique (mouvement pour chaque consonne). De nombreuses variations sont alors possibles autour de la peinture, les massages, la musique les jeux de balles….

Pour aller plus loin : https://www.lajoiedeparler.net

 

L’AVT (Auditory Verbal Therapy)

Il s’agit d’une d’une forme de coaching parental uniquement basée sur la stimulation auditive et l’oral, et se suffisant à elle-même, se substituant donc à une prise en soin orthophonique classique.

Pour aller plus loin :

Interview d’Ophélie Dauger

 

La méthode Borel Maisonny

C’est une méthode de lecture phonétique et gestuelle. Elle aide à la précision articulatoire, grâce aux gestes et au graphisme phonétique.

 

Musique et amorce rythmique

La musique, sous toutes ses formes, permet un travail sur le contour mélodique, l’imagination, l’amélioration de l’écoute, l’enrichissement du langage, elle offre une souplesse intellectuelle, une curiosité et un plaisir dont il ne faut pas se priver.

L’amorce rythmique est une technique issue d’une étude menée par une orthophoniste, Mme Hidalgo, et  M.Schon, Pr de neurobiologie auditive en neurosciences.

Il s’agit de s’appuyer sur le constat que musique et langage partagent le rythme.

Un entraînement aide à la perception de leur régularité et entraîne la prédictibilité. Cette expertise musicale influence la perception et la production des structures rythmiques et métriques de la musique et de la parole.

Pour aller plus loin : le colloque ACFOS 2017 : musique et surdité

 

Le LPC

Le langage parlé complété est une aide à la lecture labiale permettant de distinguer les sosies labiaux. Il agit sur le versant réception de la langue.

 

Les traces graphiques ou graphisme phonétique

Il s’agit de produire une trace graphique, en même temps que le son est émis. Cette trace devant mettre en évidence une caractéristique du son. Il soutient l’analyse auditive et aide à la mémorisation. Il est décrit dans les œuvres de Mme Borel Maisonny.

 

Mimo gestualité ou Français signé

Il s’agira d’accompagner le discours oral de quelques gestes spontanés ou signes, de manière ponctuelle, afin d’aider les enfants qui en ont besoin à créer plus rapidement un lien pensée/langage.

 

La lecture labiale

Elle est à développer et entretenir car elle facilite la compréhension orale (encore plus en milieu bruyant) et participe à la mise en place du système phonologique.

 

 

L’importance d’un suivi adapté et régulier

Plusieurs conditions doivent être réunies pour que l’éducation auditive d’un enfant implanté soit la plus efficace possible. Dans un premier temps, la plupart des spécialistes s’accordent sur le fait qu’il est indispensable d’intéresser l’enfant pour qu’une méthode fonctionne bien. Amandine Langellier précise qu’il « faut savoir où l’enfant en est au niveau de ses questionnements et de son développement cognitif pour valoriser l’échange ». Il faut donc s’adapter aux besoins de l’enfant et à ses réactions.

D’autre part, l’implication des parents est primordiale. L’orthophoniste insiste tout particulièrement sur « l’accompagnement parental » et pour elle, « le travail mené avec les parents est indispensable à une prise en soin bienveillante et efficace. Il peut être pratiqué de manières très diverses selon les besoins et souhaits des parents, en visant une alliance thérapeutique de qualité. Dans le cas d’une famille très motivée, et d’enfants de moins de 2ans, je programme par exemple un rendez-vous toutes les deux semaines afin d’observer l'enfant en situation de jeu et d'échanges, et de proposer des axes de stimulation adaptée, à intégrer dans son quotidien. S’il s’agit d’une famille ayant moins de temps à accorder à son enfant ou ayant plus de difficultés à entrer dans un mode de stimulation spontanée et régulière, je proposerai un rythme de rdv plus soutenu, jusqu'à 3 fois par semaine ».

Amandine Langellier confirme que « plus la famille s’investit et plus on obtient de résultats », mais elle insiste sur le fait qu’il est important de ne pas tomber dans l’écueil de la sur-stimulation qui pourrait se révéler contre-productive.

L’éducation auditive pour être la plus efficace possible doit s’adapter au rythme de l’enfant, mais aussi à celui des parents pour que ceux-ci aient toute leur place dans le processus sans pour autant être sur-investis au risque de culpabiliser en pensant ne jamais en faire assez.

La meilleure des stimulations sera écologique, adaptée, constante et quasi naturelle.