Je m’appelle Patrick, j’ai 65 ans et je suis implanté à gauche (AB Naida CI Q70) depuis le 31/01/2017 (activation le 17/02/2017).

A droite, j’ai un appareil Phonak, qui essaie d’exploiter au mieux un reste auditif faible. L’implant et l’appareil sont appairés pour un fonctionnement synchronisé. J’ai des séances d’orthophonie hebdomadaires de 30 minutes. L’implantation a été réalisée à la Pitié-Salpêtrière à Paris par le Docteur Isabelle Mosnier, que je ne remercierai jamais assez pour sa gentillesse, sa disponibilité, son écoute et son professionnalisme.

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En résumé, que retenir ?

Oui je suis très satisfait de mon implant et je ne regrette pas mon choix. 

Vivre avec un implant est finalement très simple et heureusement qu’il est là pour m’aider à comprendre. Sans lui, je serais aujourd'hui totalement perdu. Mes amis me disent que j'ai considérablement changé dans les mois qui ont suivi l’implantation : plus présent dans les conversations, beaucoup plus de fluidité dans les échanges.

Pour autant, tout n’est pas facile. Il reste même encore beaucoup de situations impossibles. En particulier, il est très difficile de voyager seul, car les annonces sonores dans les gares ou aéroports ne sont pas compréhensibles.

Je ne comprends que lorsqu'on me parle dans le calme à moins de 3 mètres. Je ne comprends une conversation entre deux personnes que dans le calme et à moins d'un mètre. Dans le bruit, je ne comprends qu'en face à face à moins de 80 cm.

Malgré tout, la bi-implantation n’est pas à l’ordre jour car non justifiée par le reste de mon audition à droite qui s’est finalement stabilisé.

Comment en suis-je arrivé là ?

J'ai commencé à perdre l'audition par paliers en 2000 (j’avais 46 ans), puis en 2007 (perte complète à gauche), en 2010 (perte totale à gauche, 50% à droite), et finalement, en juillet 2016 (perte quasi-complète à droite).

La cause identifiée serait une surpression cérébrale (pas suffisante toutefois pour être qualifiée d’hyperpression), mesurée par le biais d’une ponction lombaire. Cette surpression du liquide céphalo-rachidien (qui baigne le cerveau) comprime les vaisseaux sanguins qui irriguent la cochlée, provoquant une interruption du flux sanguin et causant la perte brutale en 3 jours de gros paquets de cellules cillées non alimentées. Consultez très vite si vous perdez brutalement l’audition, même partiellement. Une telle surpression est très vraisemblablement provoquée une poussée de stress et de fatigue (surmenage ?).

J’ai fait les tests pré-implantation en 2014, puis en 2015 (j’avais à l’époque une audition fluctuante) et encore en 2016. Ce n’est qu’en 2016, après une nouvelle chute d’audition, que l’équipe médicale s’est prononcée en faveur d’une implantation. Ce qui me fait dire qu’il faut faire confiance à l’équipe médicale : au vu de son expérience et des résultats des tests, elle sait si le moment de l’implantation est venu… ou pas.

Comment je vis ma perte d’audition

Lorsque j’ai commencé à perdre l’audition, j’étais chef de projet éditorial. Autant dire que les réunions avec un rôle attendu de facilitateur étaient quotidiennes. J'ai dû progressivement y renoncer. J'ai eu la chance d'être très bien accompagné par mon assistante et par mon employeur qui m'a proposé des postes progressivement moins exposés, mais toujours intéressants et valorisants, jusqu'à un départ en retraite tout juste un peu anticipé.

Alors, c'est vrai, ne plus être celui qui anime, qui facilite, qui amuse, c'est un peu frustrant et il faut en faire (aussi un peu) son deuil. Cela suppose de s'adapter : choisir les personnes avec qui on maintient des relations, bien leur expliquer les situations dans lesquelles on comprend et celles où on ne comprend rien, ne pas hésiter à leur dire quand on ne comprend pas (et aussi quand on comprend en accusant réception, les autres en ont besoin !). Parfois, quand on est trop nombreux, c'est vrai que c'est difficile et qu'on a envie de partir. Parfois aussi, je me demande, dans des réunions de famille ou des sorties en groupe, ce que je fais là. Mais ça vaut tout de même le coup, ce serait dommage de se priver des moments partagés, car il y en a, et beaucoup finalement. Mais il faut positiver, privilégier (et savoir attendre) les bons moments. Quant aux inconnus, ne pas hésiter à leur dire qu'on est malentendant (ils s'adaptent toujours).

Choix de la marque de l’implant

Le choix de la marque (AB) de l’implant a été guidé par celle de mon appareil droit (Phonak). Je crois que chaque marque d'implant est associée à une marque d'appareils de telle manière à proposer des télécommandes et autres accessoires compatibles appareil/implant. C'est le cas pour AB et Phonak. Je ne connais pas les autres produits, mais je suis très satisfait du couple AB-Phonak.

Complémentarité implant-appareil

J’ai trouvé dans le mix implant/appareil une bonne complémentarité, l’appareil m’apportant des graves et une certaine profondeur des sons, et l’implant, malgré un côté métallique, davantage de compréhension. Cette différence était très perceptible la première année qui a suivi l’implantation, elle s’est un peu estompée la deuxième année. Je pense que le cerveau s’habitue et finit par compenser.

J’ai parfois l’impression que l’implant fait tout le travail ; avec l’appareil auditif droit seul, j’entends très mal (rien ?), avec l’implant seul je comprends mon interlocuteur. Mais quand je remets l’appareil auditif, je note tout de même une grande amélioration du confort d’écoute, le résultat est homogène et équilibré. La binauralité est indispensable.

Les accessoires

Je tiens à parler des accessoires car ce sont de formidables aides. En particulier, le Compilot de Phonak (je pense que les autres marques ont des produits équivalents) transforme les aides auditives en casque sans fil, en connectant les aides auditives Phonak et les implants AB par Bluetooth à de nombreuses sources audio : télévision (grâce à Phonak TVLink), téléphones portables, lecteurs MP3, tablettes, ordinateurs portables et de bureau. La connexion avec Phonak ComPilot peut aussi se faire via un câble audio (prises jack), utile par exemple avec les audio-guides des musées ou en avion pour écouter un film.

Compilot m’apporte énormément pour la télévision, les audio-guides, écoute de vidéos sur ordinateur ou tablette, etc., mais je ne l’utilise pas avec le téléphone, parce que je ne veux pas avoir (à tort ?) en permanence le Compilot autour du cou.

Astuce : le règleur peut définir la part du son provenant de la source musicale et celle transmise par les micros du processeur (son ambiant). Lui demander un programme spécifique où la part de son ambiant est ramenée à zéro : c’est indispensable pour pouvoir écouter les films en avion tant le bruit dans la cabine est important.

Situations "confortables"

Conversation à deux en face à face dans le calme : presque aucun problème, je comprends 95% de la conversation sans utiliser la lecture labiale.

Conversation à deux en tête-à-tête dans un restaurant bruyant : là aussi, je comprends la conversation (j'utilise au besoin la fonction "bruit" ou "micro directionnel"). Bien sûr l’aide de la lecture labiale est la bienvenue (je n'écoute jamais dans le bruit quelqu'un que je ne regarde pas et comprendre dans un peu de bruit des gens que je ne regarde pas reste difficile).

Conversation dans la voiture (2 personnes) : c’est plus difficile mais dans l’ensemble ça marche assez bien (j’éteins l’autoradio bien sûr).

Parler à la caissière dans un grand magasin : oui ça marche presque à tous les coups (cela m'était devenu impossible avant l'implantation).

Écouter les informations à l'autoradio en roulant (écouter des paroles sans bruit ou musique de fond), à faible vitesse (en ville), c'est généralement possible. C’est beaucoup plus difficile sur autoroute en raison du bruit accru du roulage.

Regarder la télévision avec mon Compilot* : compréhension supérieure à 80% sans sous-titre (même des commentaires de fond) à condition toutefois que le bruit de fond (ou la musique) ne soit pas trop fort (informations, documentaires). Pour les films, même français, les sous-titres sont encore bien utiles (indispensables pour les films étrangers).

Situations "délicates"

Conversation à table entre 4 personnes dans le calme : c’est déjà un peu plus difficile, il me faut suivre de près la conversation et recourir à la lecture labiale mais dans l’ensemble j’arrive à suivre et à participer.

Parler avec une personne dans la même pièce mais sans la regarder (échanges impromptus alors qu’on est occupés à autre chose) : je dois systématiquement interrompre mon activité (lecture par exemple), regarder mon interlocuteur et le faire répéter.

Situations difficiles

Téléphoner avec mon implant. Avec mon nouveau téléphone (qui a un très bon son), avec le haut-parleur d’ambiance, un silence total et une bonne concentration, j’arrive à avoir une conversation pas trop longue. Je dois cependant parfois dire à mon interlocuteur que je suis malentendant et il doit alors faire des efforts pour parler plus lentement et plus près de son téléphone (pas gagné à chaque fois !). Je reformule systématiquement.

Je ne passe pas un coup de téléphone important sans avoir à côté de moi quelqu'un qui comprend et qui peut me répéter ou m'expliquer ce que je n'ai pas compris. Si c'est simplement pour prendre un rendez-vous, ça peut fonctionner. Dans ce cas aussi, je reformule systématiquement.

Situations impossibles

Conversation dans la voiture (4 personnes) : impossible de comprendre ce qui se dit derrière si je suis devant, et inversement.

Conversation à table entre 4 personnes si les participants ne font aucun effort pour articuler ou parlent à voix basse. Même la lecture labiale n'y peut rien (prises de parole anarchiques voire simultanées).

Conversation à table entre 6 personnes et plus : là, c’est la catastrophe, trop d’informations dans tous les sens, je ne suis plus la conversation sauf si c’est moi qui la dirige. Je me limite à parler avec la personne à ma gauche ou à ma droite (pas les deux !), voire à celle d'en face.

Comprendre quelqu’un qui est dans mon dos : à la rigueur, dans le calme et si je suis attentif (si on me parle par surprise, je ne suis par définition pas prêt à écouter et donc je ne comprends rien). D'une manière générale, si je ne suis pas attentif (occupé à faire autre chose, lire, écrire), je peux même ne pas entendre qu'on me parle.

Comprendre quelqu’un qui est loin, même dans le calme : genre 4-5m, c’est compliqué souvent impossible. En raison du manque de sensibilité des micros très vraisemblablement.

Entendre des chuchotements : on oublie ! C’est notamment le cas dans des restaurants où l’ambiance est feutrée. C’est incroyable, mais c’est pire que dans les restaurants bruyants, mon interlocuteur n’osant pas élever la voix !!!

Regarder la télévision sans sous-titre et sans mon Compilot* : mieux vaut oublier, sauf à être tout près, bien concentré et avoir un très bon son (journaux télévisés par exemple, sans fond sonore). Sous-titres obligatoires, mais pas toujours disponibles (émissions en direct, en raison du grand retard et de leur caractère très incomplet).

Cinéma : compréhension très insuffisante des dialogues pour profiter du film. 

Radio/Auto-radio : Impossibilité de reconnaître une mélodie ou les paroles d'une chanson. 

Ecouter de la musique : encore beaucoup de mal : avec le Compilot, je commence à entendre des bouts de mélodies, mais la musique n'est encore pour moi que du bruit. Je ne reconnais pas certains morceaux que je connaissais par cœur !

Parler à quelqu’un en environnement bruyant : on laisse tomber, ça ne marche pas et je pense que ça ne marchera jamais. 

Eglise (ou grande salle) : Je suis incapable de suivre une cérémonie ou d'écouter quelqu'un parler au micro. Trop d'écho perturbateur ?

Concerts, théâtre, conférences... On oublie. Sauf peut-être à être aux tout premiers rangs.