Cet article est extrait du journal de l'association CISIC Ouïe-Dire publié en janvier 2014.
Le réglage d’un implant cochléaire est le travail de toute une équipe : patient, régleur, médecin ORL, orthophoniste, psychologue, associations de patients, fabricants. Différentes phases existent dans le réglage d’un implant cochléaire chez l’adulte devenu sourd.
1. L’ACTIVATION DE L’IMPLANT
Dans l’équipe du Pr. Frachet à l’hôpital Rothschild (Centre de Réglage des Implants Cochléaires), l’activation de l’implant se déroule un mois après la chirurgie. Entre la chirurgie et l’activation de l’implant, il est néanmoins proposé un « rendez-vous boîte » qui vise à expliquer le fonctionnement et l’entretien du processeur ainsi qu’à présenter le contenu de la mallette qui seront remis le jour de l’activation.
Le jour de l’activation, il est demandé au patient de déterminer pour chaque électrode ses seuils C (maximum confortable) et T (minimum de détection) puis d’exprimer les premières sensations ressenties lorsque toutes les électrodes sont activées en même temps.
Ce premier réglage est souvent accompagné de sentiments forts chez le patient qui est inscrit dans une longue démarche aboutissant à cette activation. Certaines questions peuvent surgir au moment de ce premier réglage :
- « Je ne sais pas si j’entends ou si c’est mon acouphène… J’ai peur de rater certains sons. » : Si l’acouphène pose problème pour le réglage d’une électrode, il est possible d’extrapoler les résultats de cette électrode en fonction de ses voisines et éventuellement de s’en servir pour agir sur les acouphènes. On peut également faire reconnaître le son à un niveau confortable afin qu’il soit distingué de l’acouphène, avant de le faire identifier avec une faible intensité.
- « Le minimum, ça va, c’est comme lorsqu’on passe un audiogramme. Mais je ne sais pas jusqu’où je peux aller. C’est quoi le maximum confortable? » : Les adultes sourds congénitaux ont parfois du mal à ne pas chercher la puissance à tout prix car ils portaient des appareils surpuissants avant leur implant. Il faut imaginer pouvoir rester pendant 20 minutes avec ce son dans les oreilles sans que cela ne pose problème. Le son ne doit pas baver ou se mettre à résonner.
- « Comment dire si c’est au même niveau, alors que les deux sons sont différents ? » : Le fait d’écouter les électrodes les unes après les autres (égalisation de sonie) va permettre de corriger un seuil estimé trop fortement/ faiblement par rapport aux autres, même s’il n’est pas sur la même fréquence. Il ne faut pas perdre de vue que déterminer les seuils s’affine avec le temps. L’objectif du régleur est de redonner une première sensation sonore, souvent après plusieurs années où l’oreille n’a pas entendu. A ce stade, il ne cherche pas la finesse. Il y a très souvent un décalage entre ce que le patient imagine qu’il va entendre et ce qu’il entend réellement. C’est pourquoi les séances d’orthophonie débutent tout de suite après l’activation. Là encore les objectifs sont très basiques : faire preuve de curiosité auditive, entendre puis reconnaître les sons de l’environnement, reconnaître des rythmes, identifier quelques prénoms de l’entourage d’après leur longueur.
2. LES PREMIERS REGLAGES
Les 4 à 5 premiers réglages sont effectués à raison d’une séance par semaine. Puis les réglages s’espacent et se font à la demande et en fonction de l’histoire de chaque patient (âge, durée ou cause de la surdité, etc.). Il faut retenir qu’il n’y a pas de lien entre la fréquence des réglages et les performances de l’implant.
Il va s’agir dans un premier temps de monter en puissance. Mais ce ne sera pas tout car plus fort ne veut pas dire mieux comprendre. Au fil des réglages, les sensations sonores et donc le réglage s’affinent. Par ailleurs, le régleur pourra combiner les réponses du patient avec les données objectives qu’il est possible de recueillir de façon automatique via le logiciel de réglage. La participation du patient reste essentielle, une étude ayant montré que le réglage automatique était moins performant que celui obtenu avec la participation du patient pour la compréhension de la parole dans le bruit.
En orthophonie, les séances sont effectuées au minimum après chaque réglage, soit une fois par semaine. Le travail vise à affiner la reconnaissance de la parole, à comprendre des mots puis des phrases dans le silence. L’orthophoniste pourra repérer les sons qui passent moins bien. Il pourra par exemple expliquer au patient qu’il comprendra mieux les sons [f], [s] ou [ch] s’il accepte plus d’aigus lors d’un prochain réglage. L’orthophoniste et le régleur travailleront de concert en relevant les confusions de sons qui peuvent se résoudre par un réglage. Voici ce que le régleur veut savoir lorsque vous vous présentez à une séance de réglage : Combien d’heures par jour le processeur a-t-il été porté ? Le son était-il au bon volume ? trop fort ? trop faible ? Quels sons étaient dérangeants ? Quels sons n’avez-vous pas entendu ? Avez-vous compris votre interlocuteur ? Quel programme avez-vous testé ? Avez-vous modifié le volume ? etc.
3. LA SUITE DES REGLAGES
Le régleur va cibler au mieux les besoins de chaque patient et lui proposer des programmes adaptés. Certains patients n’auront qu’un seul programme, d’autres en auront 4, sans que cela ne présage d’un résultat ou d’un autre de l’implant. Un rendez-vous accessoire peut être effectué à l’IFIC (Institut Francilien d’Implant Cochléaire) afin de tester la boucle magnétique par exemple. Quand les réglages de l’implant se stabilisent, il est conseillé d’harmoniser les réglages de la prothèse controlatérale.
On n’entend pas avec ses oreilles, on entend avec son cerveau… Ainsi, si les réglages s’espacent, l’orthophonie reste intensive. Après les trois premiers mois de port du processeur, un relais est souvent organisé avec des orthophonistes libérales. Quand cela est possible, la rééducation va s’intéresser aux situations qui restent complexes : compréhension dans le bruit, compréhension des voix enregistrées (radio, télévision, Internet), du téléphone, écoute de la musique, localisation de la provenance des sons, etc. Par ailleurs, des bilans orthophoniques sont réalisés à 3 mois, 6 mois puis 12 mois de port du processeur afin de chiffrer les progrès accomplis depuis l’implantation.
4. À LONG TERME
Il est indispensable de prévoir chaque année :
- Une visite médicale annuelle. L’implant est un dispositif médical implanté actif. À ce titre, une visite médicale annuelle est obligatoire. Elle vise à vérifier l’état de la peau en regard de l’aimant, surveiller l’évolution de l’oreille controlatérale, vérifier la vaccination, être informé des pathologies intercurrentes.
- La vérification annuelle du processeur et de son réglage. Tout comme un appareil auditif classique est vérifié tous les 6 mois par l’audioprothésiste, le régleur vérifie annuellement la bonne marche du processeur, son entretien. Il vérifie la bonne santé de toutes les électrodes et la bonne adaptation des réglages. En effet, dans certaines pathologies, il faut régulièrement refaire des réglages. Par ailleurs, les impédances peuvent bouger au fil du temps, ce qui peut amener le régleur à bouger les seuils C et T, sans même que le patient n’ait de plainte particulière.
- Un bilan orthophonique annuel. Il vise à évaluer les performances du patient porteur d’un implant dans le silence et le bruit, avec ou sans lecture labiale, avec ou sans l’appareil controlatéral.