"Faire appareiller ou implanter son enfant ne le rend pas entendant."

Florian, 2 mois après son opération

Florian, 2 mois après son opération

 

Histoire de Florian

L'apprentissage de la surdité de son enfant est une épreuve difficile. Faire appareiller ou implanter son enfant ne le rend pas entendant. Depuis sa naissance il a été privé du "bain de langage" dans lequel évolue l'enfant entendant. L'appareil ou implant est un outil mis à sa disposition, il va devoir apprendre à le maîtriser. La parole ne va pas venir du jour au lendemain. Le démarrage est souvent long et les progrès en dents de scie.

L'histoire de Florian illustre les difficultés rencontrées et montre qu'un démarrage peut être long mais aboutir à des résultats.

Découverte de la surdité de Florian, et appareillage

27 décembre 1996 : naissance de Florian

Février 1998 (13 mois et demi) : Cela fait quelques mois que j'ai des doutes, mais là vraiment j'ai l'impression que Florian n'entend pas. Rendez-vous est pris chez le pédiatre qui va m'orienter sur le centre de phoniatrie le plus proche. 3 mois d'attente pour caler un premier rendez-vous.

Mai 1998 (16 mois et demi) : A priori Florian n'entend pas bien mais il est petit et les réponses à cet âge sont difficiles à interpréter. Il va falloir passer un PEA.

Fin juin 1998 (18 mois) : passage du premier PEA , les résultats sont catastrophiques (premières réponses entre 100 et 110 dB), l'ORL suspecte une surdité profonde mais quelque chose le gène, il ne me dit pas le niveau de surdité qu'il décèle, et à cette époque je n'y connais rien donc je repars en sachant que Florian est malentendant. L'ORL me donne RV en septembre après l’été (car le centre est fermé pendant les vacances) en me disant que cela permettrait d'éliminer le problème d'éventuelle otite séreuse. Avec son pédiatre, nous décidons de faire opérer Florian des végétations en août ce qui résoudra définitivement ce problème.

Septembre 1998 (20 mois) : 2ème PEA, les résultats semblent plus satisfaisants pour l'ORL et il me donne donc le verdict : surdité sévère, nous allons faire appareiller Florian le plus vite possible.

Fin octobre 1998 (22 mois) : ça y est l'audioprothésiste lui met ses appareils. Il a fallu deux mois de rendez-vous hebdomadaires pour mettre Florian en confiance, et faire les empreintes (depuis le jour de ses 1 an Florian ne supporte plus d'être ausculté). Mais Florian ne veut pas de ses appareils et pendant que nous discutons avec son audioprothésiste (qui a d'ailleurs fait preuve d'une patience à toute épreuve avec nous) Florian s'ouvre la tête et nous voila partis aux urgences pour des points de suture. Ca commence bien !

5 novembre 1998 : Après 15 jours d'essais infructueux et démoralisants, Florian accepte enfin de porter ses appareils en séance d'orthophonie et les garde après la séance. A partir de ce jour nous n'avons plus eu de problème pour lui mettre.

Commence alors l'attente des 1er mots et là je dois dire qu'il ne faut surtout pas compter en mois. Je m'explique lorsque Florian a été appareillé il n'avait jamais rien entendu (surdité sévère + problème d'otite séreuse chronique). On m'avait dit "vous verrez au bout de 3 mois il va commencer à comprendre et au bout de 6 mois il va commencer à dire des mots". Ce jour là j'aurais mieux fait de ne pas écouter.

Fin mars 1999 (2 ans et 3 mois : l'âge du NON) : presque 6 mois d'appareillage et toujours rien. Florian fait beaucoup de bruit mais rien n'est compréhensible (à part papa, maman et NON). Il répond à son prénom quand il a le temps. A cette époque ses réactions me plongent dans un grand désarrois, je ne sais pas s'il ne comprend rien ou s'il joue avec moi. A toutes les questions simples qu'il devrait commencer à comprendre "Tu viens manger ?", "On va au bain ?", "On va se promener ?", etc... Il me répond "NON" alors que ce sont des choses qui lui plaisent. Les séances d’orthophonie (2 par semaine) se suivent et se ressemblent : Florian n'est pas coopératif, il est capable de passer une séance entière sans ouvrir la bouche à regarder l'orthophoniste lui dire "ba...teau", "mo...to", on écoute des enregistrements, on joue avec des instruments (ça ça lui plait). Mais rien ne sort au niveau parole. Tout le monde au centre de phoniatrie essaie de me rassurer mais j'ai toujours en tête les délais qui m'ont été annoncés (3 mois, 6 mois) auxquels je me raccroche et qui après m'avoir rassurée, m'inquiètent. J'ai l'impression que l'on n'avance pas et qu'il ne comprend rien.

Avril 1999 : Je pars avec Florian en vacances chez une amie qui a un petit garçon Antoine du même âge que Florian. J'ai le moral dans les chaussettes mais bon... Un jour, le grand père d'Antoine lui demande : "Va chercher la moto dans la cuisine". Et la je vois Florian se lever, partir en courant et revenir avec la moto tout fier avant qu'Antoine n'ai eu le temps de réagir. A partir de ce moment, j'ai compris qu'il comprenait très bien ce qu'on lui disait et que ces "NON" permanents n'étaient que l'expression de son opposition (ce qui est très courant à cet âge). Pendant les mois qui ont suivi, je me suis posé beaucoup moins de questions sur sa progression et j'ai essayé d'être patiente.

La maternelle

Septembre 1999 (2 ans et 8 mois): Florian est rentré à l'école maternelle de notre quartier. D'une manière générale l'année s'est bien passée. Florian comprenait bien les consignes mais avait beaucoup de mal à se faire comprendre par les adultes de l'école. Par contre les enfants le comprenaient sans trop de problème et il était bien intégré. A la maison, son père et moi commencions à le comprendre correctement sur tout ce qui était du quotidien mais certains mots étaient très déformés (ex: Père Noël= témoël, pantalon=papalon...).

Septembre 2000 : entrée en moyenne section de maternelle. Les institutrices n'en reviennent pas des progrès qu'il a fait pendant l'été, pourtant il n'a pas de séance d'orthophonie pendant les vacances.

Septembre 2001 : entrée en grande section. Florian se fait comprendre parfaitement, bien sûr il ne faut pas essayer de comparer avec ses copains de classe qui ont une syntaxe bien meilleure, une articulation non déformée et un vocabulaire plus riche. Coté scolarisation l'année s'est bien passée. Pourtant l'année a été dure pour lui au niveau santé : chute auditive oreille droite et hospitalisation 8 jours sous perfusion en décembre, puis variations puis chute auditive à gauche en mars 2002.

 

Florian et son nounours à l'hôpital

Florian et son nounours à l'hôpital en décembre 2001


Bilan de ces quatre années de suivi intensif, de doutes, de joies. Florian est un enfant qui oralise
parfaitement, qui est très bien dans sa peau et qui est toujours très gai (malgré une dernière année
pas facile). Il est très bavard, c'est même parfois fatiguant.

Pourtant les débuts n'ont pas été faciles. Je crois que lorsque l'on veut que son enfant oralise et que
l'on choisit de le faire appareiller ou implanter en fonction du niveau de surdité, on est trop pressé.
Il faut tout de même se rendre compte que ces enfants ont tout à découvrir du monde sonore. Ils
partent de zéro.

Alors à vous les parents je conseille d'être patients.
Quand on ressort d'une séance d'orthophonie sans avoir entendu le son de voix de son enfant, ce
n'est pas du temps perdu, il a engrangé des informations même s'il n'est pas capable ou n'a pas
envie de vous le montrer dans l'immédiat.

L'implant Cochléaire

20 juin 2002 (5 ans et demi) : Depuis décembre 2001 Florian est sourd profond avec des fluctuations sur les 2 oreilles. Après 3 mois de démarches et d'examens, l'implant cochléaire de Florian est programmé pour le 20 juin 2002. Le mercredi 19 juin 2002, nous rentrons à l'hôpital Trousseau, Florian repasse un audiogramme et un test vocal. En effet, la veille de l'opération, compte tenu des fluctuations d'auditions sur les 2 oreilles, les équipes de Trousseau et de La Norville (91) s'interrogent encore sur l’oreille à implanter. Après 1 heure et demi de test, il est décidé d'implanter l'oreille gauche. A droite il lui reste des graves corrects qui seront complémentaires avec l'implant. Dimanche 23 juin, sortie de l'hôpital avec son bandeau de rugbyman après 4 jours difficiles pour toute la famille. L'important c'est que l'opération se soit bien passée, les électrodes répondent correctement et il n'a pas souffert. Bref nous rentrons chez nous soulagés.

Florian et son bandeau de rugbyman à sa sortie de l'hôpital

Florian et son bandeau de rugbyman à sa sortie de l'hôpital

Je me suis arrêtée de travailler un mois pour être présente lors de l'opération et des 2 premiers réglages. Par la suite les réglages se sont bien passés. Florian était juste un peu déçu car il aurait aimé que les réglages augmentent plus vite.

 

Florian, 10 jours après l'opération

Florian, 10 jours après l'opération

L'été s'est bien passé, le plus dur étant de l'empêcher de faire ses « cascades ». Nous lui
avons trafiqué un casque de VTT afin qu'il puisse reprendre ces activités préférées (rollers ,
vélo, trottinette, ...)



27 août Florian fait la ballade en roller de Paris, départ Bastille, durée 3 h

27 août Florian fait la ballade en roller de Paris, départ Bastille, durée 3 h

 

L'école primaire

Septembre 2002 (5 ans et 8 mois) : Florian est entré en CP dans l'école du quartier 2 mois après son implantation. L’année s’est bien passée, avec des hauts et des bas comme tout enfant. Ses copains ont à peine remarqué le passage à l'implant.

Florian a finit l’année avec un niveau correct. Il a acquis tous les mécanismes de la lecture même si sa lecture à voix haute est un peu hachée et que les ponctuations ne sont pas toujours respectées. Il rencontre parfois quelques difficultés de compréhension si les phrases sont longues ou qu’elles contiennent du vocabulaire qui n’est pas acquis.

A l’oral, son articulation s’est améliorée mais sa syntaxe n’est pas toujours parfaite.

Sur cette fin de CP, 1 an après l’implantation le bilan est très positif, Florian est ravi et s'est très bien adapté à son implant.

La seule chose dont il se plaint en cette fin d’année scolaire, la "lourdeur" du suivi hospitalier. Il est vrai que la première année est assez chargée (une dizaine de réglages, un bilan orthophonique 3 mois, 6 mois et 1 an après l’implantation, un bilan et audiogramme avec le chirurgien 1 mois, 6 mois et 1 an après l’implantation). Ajouté à son suivi hebdomadaire (3 séances d’orthophonie, 1 séance avec le psychologue et un groupe éducatif le mercredi matin) et à son année de CP, il faut reconnaître que cela faisait un sacré emploi du temps.

Mais bon, les résultats sont là et le suivi hospitalier va s’alléger sur la 2è année.

Été 2003 : Florian a passée des vacances très variées et est parti en colonie pour la première fois, 5 jours. Il a géré ses appareils comme un grand en présence d’un animateur (changement de piles, nettoyage et mise dans le sac anti-humidité tous les soirs). Expérience très réussie et à renouveler.

 

1 an après l'implantation, Florian a pu participer à plein d'activités, comme tous les enfants de son age.1 an après l'implantation, Florian a pu participer à plein d'activités, comme tous les enfants de son age.

 

Il a bien profité de ses vacances, il a grandi, mûri, fait des progrès en lecture et même à l’oral notamment au téléphone. Il arrive à avoir une discussion suivie en utilisant le haut-parleur. Il est même en train de devenir accro au téléphone et veut appeler ses grands-parents, oncles, tantes, cousins et petits copains en permanence depuis cet été.

En bref, il est prêt pour sa rentrée en CE1.


Septembre 2003 : Entrée en CE1. Florian a passé une année sans difficulté au niveau scolaire. La lecture est bonne, le passage à l'écrit est un peu plus difficile car la syntaxe n'est pas parfaite mais la maîtresse affirme que cela est normal à cet âge.

Le suivi hospitalier est un peu moins dense que la première année.

Sa prise en charge est proche de l'année précédente, 3 séances d'orthophonie par semaine sur le temps scolaire, un groupe éducatif le mercredi. Florian a commencé à ma demande des cours de LSF (1h30 le mercredi dans un groupe de 6 enfants sourds oralisant très bien).

Niveau auditif, Florian a continué à avoir des fluctuations auditives sur l'oreille non implantée en novembre puis février et son implant a eu quelques problèmes techniques au mois de juin. Dans ces moments là, c'est toujours un peu la panique pour nous parents, mais lui s'en sort assez bien, la lecture l'aide beaucoup à compenser notamment en classe pour comprendre les consignes.

Au global le bilan de cette année est très positif, Florian évolue normalement comme tous les enfants de son âge entre l'école, les copains et les activités extra scolaires (tennis et athlétisme).

Les vacances d'été lui ont permis de repartir en colonie 12 jours avec le même succès que l'année précédente et de faire le plein d'activités avant son entrée en CE2.


Septembre 2004 : Florian vient de faire son entrée en CE2. Comme tous les élèves de CE2, il a passé les évaluations nationales au sein de sa classe (29 entendants + Florian) dans les mêmes conditions que ses camarades. Il s'en est très bien sorti avec les résultats suivant (Français : 87.4% de réussite et Mathématiques : 93% de réussite).

Florian commence bien l'année, pourvu que ça dure....


A suivre ...

Nathalie (maman de Florian)