"une nouvelle vie grâce à l'implant cochléaire"

UNE VIE NOUVELLE GRACE A L’IMPLANT COCHLEAIRE

Basculer dans la surdité c’est d’abord combattre l’isolement en restaurant la communication par des moyens techniques. Hélas, quand l’audition ne peut plus être rétablie valablement il ne reste plus que les yeux pour entendre. J’ai la chance d’avoir pu exploiter des restes auditifs et je vous livre ici mon expérience.

Entendre, cette magnifique faculté qui donne accès au monde, sort de l’isolement, rompt le silence, permet de vivre, sentir, comprendre, partager… Combien sommes-nous à avoir définitivement perdu ce précieux bien ? Combien sommes-nous à substituer par la vue ce que nos oreilles ne perçoivent plus ou peu ? Combien sommes-nous à nous battre heure après heure, jour après jour, mois après mois, année après année : pour ceux qui le peuvent encore à nous arracher du silence et pour les autres à réinventer, encore et toujours, toutes ces astuces qui permettent de vivre en toute harmonie avec nous-même et surtout, sans blesser le monde qui nous entoure ?

J’ai basculé dans la surdité en 1980 alors que j’avais 30 ans et depuis j’ai appris à m’adapter progressivement, non sans l’apport d’une énergie considérable. J’ai appris à adapter la puissance de mes appareils auditifs en fonction du bruit ou des conditions acoustiques ainsi qu’à me servir d’aides auxiliaires pour favoriser la compréhension et entendre mieux malgré l’inconfort des situations. J’ai appris à adapter mes interlocuteurs à ma compréhension de la parole et à compenser par la lecture labiale qui est un travail ardu mais nécessaire. J’ai trouvé mille astuces pour maintenir la communication avec mes proches et ceci jusqu’au stade de la surdité profonde. Il m’a fallu du temps, parfois beaucoup de temps pour combler ces lacunes et mon combat se poursuit toujours.

Lorsque les cellules nerveuses de l’oreille interne ne sont plus capables de transmettre les perceptions auditives, le seul recours reste l’implant cochléaire quand médicalement c’est possible. C’est à ce stade que je viens d’être implantée à l’oreille droite d’un implant cochléaire NUCLEUS de COCHLEAR dont le processeur vocal baptisé Esprit 3G est du type contour avec 24 électrodes. J’ai la particularité de conserver à l’autre oreille l’amplification par une aide auditive classique .
Maintenant, grâce à l’apport de cet implant je découvre une nouvelle manière d’entendre. L’implant comble spécifiquement les aigus. Les limites des prothèses auditives se situent vers les 5000 Hz. Celles de l’implant se situent vers 12.500 Hz. La compréhension avec l’implant nécessite une rééducation auditive bien spécifique car ce n’est que progressivement que l’influx nerveux va rétablir la plasticité neuronale et que les cellules des noyaux auditifs vont se réorganiser dans l’analyse de toutes les fréquences perçues. Pour améliorer l’intelligibilité de la parole, il faut agir sur la voie auditive et sur la corticalisation. Au niveau de la voie auditive on améliore la perception sensorielle du message (entendre). Au niveau cortical, il s’agit d’optimiser l’utilisation intellectuelle de ce même message (comprendre). Le temps de remise en fonction et de rétablissement des connexions est parfois un peu long et démotivant mais il ne faut pas se décourager. La rééducation auditive se fait essentiellement avec la parole puisque le but est d’en améliorer l’intelligibilité, 2 à 3 heures par semaine de travail avec des logopèdes, un entraînement personnel chez soi. Les professionnels de l’audition établissent périodiquement des bilans pour en évaluer les résultats et affiner les réglages. Pour mesurer tout l’impact d’une rééducation auditive il faut compter entre 12 et 18 mois. Les réglages d’adaptation se font progressivement et au rythme de chacun.

Voici en gros comment s’effectuent ces réglages :

 Les seuils : électrode par électrode, de la plus grave à la plus aiguë. Les valeurs minimales et maximales définissent la dynamique.
 Les gains : Ils vont générer le volume.
 La largeur de bande globale : (fréquence minimale affectée à la 1ère électrode et fréquence maximale à la dernière électrode).
 La compression : permet d’éviter l’intolérance aux sons forts, elle influence également la compréhension.

Dans mon cas, les réglages des 12 premières semaines ont été adaptés et modifiés environ toutes les deux à trois semaines. Je suis passée des grésillements aux premiers sons humains en 2 semaines. Pour obtenir progressivement une compréhension claire avec l’implant je me suis entraînée à écouter la télévision, la radio ou les enregistrements spécifiques à la rééducation auditive en branchant sur ceux-ci la boucle magnétique (miniloop) dont je me sers habituellement sur mon amplification téléphonique. Ce type d’écoute favorise une transmission beaucoup plus fidèle du son car commuté sur T - le contour d’implant en est muni comme l’appareil auditif - ce dispositif a l’avantage de capter directement le son, sans distorsion, et permet d’écouter dans le silence, ce qui est à mon sens un avantage considérable dans le processus de la rééducation auditive. J’ai préconisé ce genre d’écoute dès la surdité moyenne. De la même manière j’ai obtenu très rapidement d’excellents résultats avec l’implant. L’identification produite par la stimulation auditive, tant stéréo que mono, est évaluée périodiquement par des tests audio-phonologiques pour adapter les réglages en fonction des gains obtenus. L’implant est doté de 2 programmes qui répondent à mes spécificités. J’ai opté pour un programme entièrement automatique d’une part et d’autre part pour un programme qui amplifie davantage mais dont je contrôle manuellement le volume par une petite roulette, à la manière de mon appareil auditif classique, en fonction des situations acoustiques. L’implant est doté d’une position intermédiaire supplémentaire (W) qui rapproche le son. Je m’entraîne à écouter dans toutes les situations en favorisant l’un ou l’autre programme en fonction des situations et dans l’ensemble le résultat est une réussite. J’ai une compréhension quasi totale dans nombreuses situations.

Avec de l’entraînement le cerveau prend progressivement conscience des messages perçus et les identifie de plus en plus rapidement ce qui donne un résultat surprenant : les voix deviennent de plus en plus humaines, prennent de l’intonation, de l’harmonie, les bruits se distinguent et la compréhension s’affine. Certains sons sont même parfois tellement proches d’une audition normale que je me surprends à déconnecter l’implant afin de vérifier d’où provient mon audition : c’est bien la stimulation par l’implant qui produit ces sons. Avec l’implant, il faut sortir des coulisses des grésillements et savoir que ces bruits vont progressivement se transformer en sons audibles et harmonieux : donc persévérer y compris pour l’adaptation des réglages. L’implant a un impact très heureux sur la vie.

Les nouveaux implantés se plaignent d’une grande fatigue au début mais cela passe progressivement. Eux aussi disent avoir retrouvé une vie proche de la normale au bout de un à deux ans d’utilisation, d’adaptation progressive et de beaucoup d’entraînement.

Mes derniers réglages rendent le son plus harmonieux. A la manière de l’appareil auditif j’entends les intonations. Côté implant ce n’est pas encore tout à fait parfait pour la musique ou certains bruits mais la complémentarité implant + appareil auditif donne un résultat d’ensemble beaucoup plus harmonieux. Depuis les derniers réglages le son de l’implant et de la prothèse auditive sont bien l’un sur l’autre et l’ensemble de la perception est beaucoup plus nette et précise. Il a également été possible de passer à un mode de traitement de la parole plus rapide dit ACE à la place de SPEAK. Il reste encore un soupçon de sons plus caverneux mais je pense que cela s’atténuera lorsque les réglages seront encore affinés.

Avoir la prothèse auditive en plus est incontestablement un avantage pour moi car ma perception d’ensemble est devenue beaucoup plus nette et précise. Je savoure de pouvoir de nouveau participer aux conversations ou entendre tout simplement sans me munir d’un micro et sans devoir me mobiliser pour lire sur les lèvres. J’écoute à loisir l’actualité, les débats ainsi que mes émissions favorites et apprécie un éventuel sous-titrage comme un plus mais plus comme une nécessité. Je gagne en autonomie en écoutant tout en vaquant à mes occupations par le simple port d’un casque. Même s’il me faut encore de l’entraînement dans la manière de gérer l’information, car si j’entends tout et clairement au moment où c’est dit ma mémoire auditive me fait encore défaut mais je retiens le contexte. Il est clair que, plus l’affectif et la connaissance du sujet sont impliqués, mieux est gérée l’information.

Mes langues maternelles sont le luxembourgeois et le français et j’ai appris l’allemand et l’anglais. Pour une meilleure compréhension je ne parlais plus que le français avec nombreux de mes proches. Dernièrement j’ai parlé de nouveau luxembourgeois avec les commerçants et certains membres de ma famille et je n’ai eu aucun problème de compréhension. J’ai toujours conservé une assez bonne compréhension de l’allemand en face à face. Ce n’était plus le cas pour la TV, et bien cette compétence m’est revenue. J’ai moins l’usage de l’anglais. En face à face ça passe suivant les personnes et le vocabulaire. Je n’ai cependant jamais oublié l’usage de ces langues.

Sans boucle magnétique il est très difficile de suivre une conférence dès le stade d’une surdité moyenne de perception. Malheureusement, même les professionnels de la surdité font peu fi de cette nécessité. Maintenant si je peux me placer dans l’axe des haut-parleurs et voir simultanément l’orateur j’ai une assez bonne compréhension de l’ensemble. Je note aussi que je peux de nouveau suivre une réunion autour d’une table de conférence, sans aide auxiliaire, ce qui n’était plus le cas depuis longtemps. Je n’en suis qu’à mes débuts d’expérimentation mais j’ai l’impression que l’implant peut donner davantage encore.

L’intervention chirurgicale pour placer les électrodes n’est en soi pas douloureuse et si ce n’est la nécessité de rester à l’hôpital par mesure de prudence, on pourrait rapidement rentrer chez soi. Il faut compter 3 à 4 jours d’hospitalisation et 3 semaines de cicatrisation avant de mettre la partie extérieure de l’implant en place (l’antenne et le processeur vocal) et de procéder aux premiers réglages.

Les prestations de rééducation auditive ainsi que l’accord pour l’implant et le bilan multidisciplinaire doivent être agréés par l’INAMI et accordés par la Mutuelle qui vous rembourse. Il faut compter entre 3 et 6 mois pour le traitement global du dossier. L’accord de votre médecin traitant doit également intervenir. La Mutuelle intervient pour le remboursement intégral de l’implant. Certaines prestations et honoraires se font par tiers payants, notamment en fonction de la chambre que vous occupez. La charge d’assurer votre implant ainsi que l’usage des piles (ou accus) vous revient.

La technique est vraiment merveilleuse pour ceux qui peuvent en bénéficier mais lorsque l’audition ne peut plus être rétablie il faut avoir recours à d’autres moyens : la lecture labiale, les notes, la complicité. Pour d’autres et si l’entourage y coopère le langage codifié ou la langue des signes.

Lire sur les lèvres est indispensable au devenu sourd et un complément idéal à l’appareil auditif quand le port de celui-ci est encore possible. Malheureusement peu s’y forment activement. La Ligue Belge de la Surdité dispense des cours de lecture labiale à Bruxelles, Wavre, Mons, Mont Godinne, Verviers et Libramont. Farciennes est en préparation. Elle organise un stage de lecture labiale du 17 octobre 2003 à 18h00 au dimanche 19 octobre à 16h00 au Centre des Classe de Forêt à 6920 – Wellin. Participation 60 €. Pour les professionnels de la surdité du 13 au 15 juin 2003.
Renseignements : par téléphone au 067/64.84.32, par fax au 067/64.82.83). Pour les cours de lecture labiale à Liège, renseignements au secrétariat du CEFORSO (tél. 04/341.39.96, fax. 04/344.10.06).

Témoignage de Françoise RAACH-CLOOS – 559, rue Champiomont - 4654 CHARNEUX.

Si vous souhaitez de plus amples renseignements, un exposé préventif sur le thème « communication altérée vie modifiée », l’organisation d’un cours de lecture labiale dans votre région, y compris en région germanophone, ou l’implication de un ou plusieurs professionnels de terrain pour aborder, plus en profondeur, une question ou un thème qui vous tient particulièrement à cœur, contactez-moi. Sans votre participation il est difficile de cibler les demandes spécifiques. Fax 087/67.81.41 – courriel Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.



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